Après 15 ans d’engagement pour les causes de Terre des Hommes Suisse, Christophe Roduit, Secrétaire général achève son mandat et se lance dans une nouvelle voie professionnelle. L’occasion de revenir avec lui sur son expérience au sein de l’organisation.
Pouvez-vous donner un aperçu rapide de votre parcours professionnel au sein de TdH Suisse ?
En 2009, après une expérience terrain de 8 années au Congo (RDC) et Madagascar, je suis rentré en Suisse et j’ai eu la grande chance de pouvoir rejoindre les équipes de Terre des Hommes Suisse. Tout d’abord en tant que Chargé de Programmes pour l’Afrique et Haïti, puis comme Directeur Programme et enfin comme Secrétaire général. 15 ans d’une magnifique aventure humaine.
Comment décririez-vous l'évolution de l’organisation depuis votre entrée en poste jusqu'à aujourd'hui ?
TdH Suisse a beaucoup évolué durant ces années. Tout d’abord, les équipes se sont renforcées, notamment sur le terrain, permettant d’assurer un soutien plus significatif à nos partenaires. Notre approche combine maintenant systématiquement la protection, l’accès à l’éducation de qualité et la promotion de la participation. Ainsi, les enfants et les jeunes ont été mis au centre de toutes nos actions et leur rôle comme acteurs de changement est valorisé.
Les collaborations dans les réseaux, la promotion des échanges au niveau de chaque région ont également contribué à l’amélioration de notre action. Enfin, notre programme d’éducation au développement durable, né à Genève, s’est généralisé à l’ensemble des pays tant ici que là-bas.
Bien évidemment, l’évolution de TdH Suisse est constante, afin de répondre aux nombreux défis affectant les pays où nous sommes actifs : augmentation de l’exclusion et de la pauvreté, de l’insécurité et des zones de conflits, l’urgence climatique….
Quels ont été les moments les plus marquants de votre carrière / une expérience personnelle mémorable en tant que SG ?
Ils sont si nombreux… mais ce qui touche toujours plus le cœur, ce sont les expériences sur le terrain. Les rencontres avec nos partenaires, leur engagement incroyable, leur proximité avec les bénéficiaires. Je peux notamment mentionner Haïti, où, nos partenaires qui avaient pu, malgré les dictatures successives, construire leurs infrastructures pour accueillir les enfants et voir tout, en l’espace de quelques secondes, réduit en ruines. Et surtout, perdant une partie de leurs amis et collègues dans les décombres.
Ces mêmes personnes se retrouvent avec un plus grand nombre d’enfants en situation difficile, venant leur demander un soutien. Comment trouver la force pour se relancer ? Se tournant vers la vie, je les ai vu se relancer, avec une énergie puisée je ne sais où et reprendre leurs actions. Tout au long de ces années, l’engagement incroyable des hommes et des femmes qui constituent nos organisations partenaires m’a toujours impressionné et j’ai tant de respect pour leur action, souvent dans des situations vraiment difficiles.
Pouvez-vous partager un défi particulier que vous avez dû surmonter en tant que directeur ?
Les défis pour une organisation comme Terre des Hommes Suisse sont nombreux dans la défense des droits de l’enfant. Depuis la pandémie, la situation des enfants au niveau mondial est très fragile. Face à une telle situation, pouvoir agir avec encore plus de force est essentiel. Mais alors que les besoins augmentent de manière dramatique depuis quelques années, les moyens à disposition n’augmentent pas au même rythme, voire diminuent. De plus, il n’est pas toujours facile de pouvoir s’engager dans la durée pour améliorer durablement les conditions de vie, dans une société qui privilégie les solutions rapides et simples, pas toujours en lien avec la réalité.
Comment avez-vous vu TdH Suisse s'adapter aux évolutions de de la coopération au développement au fil des ans ?
A chaque époque de la coopération au développement, ses mots clés. Après une attention très forte sur la mesure d’impact, il s’agit maintenant d’agir en termes de localisation par exemple. Pour nous, cela fait partie de notre ADN. Depuis sa création, TdH Suisse travaille uniquement avec des partenaires locaux et ses équipes sur le terrain sont formées de gens du pays. Nous sommes convaincus que le mieux est de soutenir les efforts locaux. Notre action s’inscrit dans la durée afin d’obtenir un changement durable des conditions de vie, sur un plus petit nombre d’enfants, suivie sur la distance.
Reste que, globalement, le secteur de la coopération s’est fortement professionnalisé, avec de fortes exigences en termes de redevabilité, contrôle financier, standards de gestion également et s’appliquent à tous, grandes associations avec des centaines d’employés et structure à taille humaine comme nous, avec 20 personnes au siège et 50 sur le terrain. Le challenge consiste à répondre à toutes les exigences, en gardant la proximité avec le terrain, notre valeur ajoutée unique, notre âme, notre militance, notre engagement pour un monde plus respectueux des droits de l’enfant.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre départ et les raisons de votre départ ?
Toutes ces années, j’ai eu beaucoup de chance et ai pu, avec mes collègues, mettre une énergie forte pour promouvoir l’évolution continue de notre belle organisation pour répondre à sa mission. Il est bon maintenant de laisser la place à quelqu’un qui pourra continuer sur les bons éléments mis en place et en apporter des nouveaux, avec des compétences différentes et continuer à construire avec les équipes. A titre personnel, à 50 ans, j’avais aussi envie d’un nouveau défi et un engagement renouvelé et je m’apprête à reprendre la direction de l’Association pour le Bien des Aveugles et malvoyants. Une nouvelle page passionnante s’ouvre.
Quelles sont vos prévisions pour l'avenir Terre des Hommes Suisse et du secteur de l’aide au développement/droits de l’enfant ?
Si Terre des Hommes Suisse est dans une situation financière saine, grâce au soutien fidèle de nos donateurs, les années qui viennent à bien préparer, avec une baisse à venir des financements dans la coopération au développement, avec l’inflation, la priorité donnée à la sécurité militaire et un climat international plus tendu. Je reste persuadé que la défense des droits de l’enfant est un élément clés de la sécurité humaine et qu’il ne faut en aucun cas baisser la garde. Le prochain défi touche bien évidemment au défi climatique. Les enfants, s’ils en sont les moins responsables, sont et seront les plus impactés. Leur action dans ce domaine est impressionnant et est à soutenir, comme une nécessité vitale.
Comment pensez-vous que Terre des Hommes Suisse devrait se positionner pour rester une organisation de référence en matière de droits de l’enfant à l'avenir ?
Terre des Hommes Suisse devrait continuer ses efforts pour donner encore plus de place aux enfants et aux jeunes, avec le soutien de projets des enfants et des jeunes pour des enfants et des jeunes. Ils sont les plus déterminants pour un changement sur la durée.
Avez-vous un message particulier que vous souhaiteriez transmettre à vos équipes ? Interlocuteurs ? Donateurs ?
Du fond du cœur merci. Merci pour votre engagement, toujours et toujours renouvelé pour, comme le dit notre slogan, qui s’applique à toutes et tous, quel que soit l’âge, « trop petit pour changer le monde ? Assez grands pour faire la différence ». L’essentiel est de ne jamais trouver d’excuse pour ne plus s’engager.