You are currently viewing «Denunciar para vivir bien» ou «Dénoncer pour vivre bien», Chaparé (5-6 juin 2012)

«Denunciar para vivir bien» ou «Dénoncer pour vivre bien», Chaparé (5-6 juin 2012)

Radio Mamore, petite radio locale d’ Entre Rios, l’une des cinq municipalité du Tropico de Cochabamba.

Aracely Soza l’une des travailleuse sociale d’Ayni, partenaire de Terre des Hommes Suisse dans le Chaparé, prend le micro pour conter l’histoire de Marilou.
« Marilou, adolescente de 15 ans rencontre Don Betto. Au détour d’une conversation, il lui propose un travail mieux payé que celui de domestique qu’elle exerce actuellement lorsqu’elle n’est pas au collège. Marilou est maltraitée par sa patronne qui ne la paye pas toujours. Elle accepte alors avec plaisir l’offre de Don Betto, sans se soucier de l’enfer qui l’attend. Dans le bus qui la conduit jusqu’à La Paz, elle réalise qu’elle n’est pas seule à aller travailler pour la «soi-disant» tante de Don Betto. Marilou et ses deux compagnes de voyage se retrouvent bientôt enfermées dans une pièce sombre. On leur jette des habits, du maquillage et Marilou se voit obligée de servir des boissons alcoolisées aux hommes qui fréquentent le «local». Rapidement de serveuse, elle est forcée à se prostituer. »
Une histoire fictive, basée malheureusement sur des faits bien réels.

En 2008, la Fondation Ayni a dressé un état des lieux sur la question de la violence sexuelle à des fins commerciales dans les 5 municipalités de la zone. Plusieurs centaines de personnes ont été approchées au cours de l’enquête, enfants et parents, corps enseignant, autorités municipales, régionales, policières, judiciaires et communautaires, associations de défense des droits des enfants et adolescents. Des témoignages d’adolescents en situation de prostitution ont été recueillis et documentés. Une grande tolérance a été constatée par la société en général envers les proxénètes, les patrons de maisons closes, de bars, etc.

L’émission de radio « Denunciar para vivir bien » à laquelle nous avons assisté est l’un des moyens mis en place par Ayni afin de sensibiliser la population à ce problème et de leur donner des informations sur comment agir, quoi faire, et sur les lois qui existent et les lieux vers lesquels se tourner lorsqu’un cas est détecté. David, le deuxième travailleur social du partenaire participe en traduisant certaines des questions abordées vers le quechua, langue parlée dans la région. Un numéro de téléphone est donné afin d’inciter les auditeurs à dénoncer anonymement d’éventuels cas ou à faire part de leurs expériences.

Chaparé
Aracely anime cette émission chaque mardi après-midi à Entre Rios, le lendemain c’est à la radio la plus écoutée de la région qu’elle interviendra. Est-ce qu’elle reçoit beaucoup d’appel ? Aracely explique que c’est surtout des messages qui arrivent. Des personnes qui demandent des conseils ou qui les félicitent pour le travail effectué. Ce travail, il faut le dire, est impressionnant. Un thème bien difficile à aborder dans cette région productrice de coca ou le machisme prédomine mais la stratégie développée par Ayni semble porter ses fruits.

Alors que nous étions à la radio avec Aracely, Carmen, directrice de la Fondation Ayni, animait un atelier destiné aux tenanciers et tenancières des « locales » comme ils les appellent. Ces lieux de vente d’alcool où bien souvent des services sexuels sont proposés et nombreux sont ceux qui exploitent des enfants. La plupart, en majorité des jeunes filles, sont victimes de traite et viennent de l’ouest du pays, voire de l’étranger.

Nous arrivons à la fin de sa présentation. Ce qui nous surprend ? Ce sont tant des femmes que des hommes qui se trouvent dans la salle. Carmen leur donne rendez-vous dans un mois et leur rappelle qu’ils doivent bien se tenir. « Je leur parle mal, je leur fait peur, je leur explique les lois existantes, je me calme pour arriver à un accord et je leur donne rendez-vous » nous explique-t-elle. « Ils doivent comprendre que si il y a des mineur-e-s dans leur « locales », ils peuvent se retrouver en prison ».

équipe Ayni

Durant ces deux jours passés dans le Chaparé, nous sommes aussi passées d’un rendez-vous officiel à un autre : réunion des membres de la Commission sociale, rencontre du président et du directeur de la Fédération des municipalités du Tropico de Cochabamba, etc. C’est que le travail de la Fondation Ayni s’adresse aussi aux politiques. Son objectif ? Faire apparaître le problème de la violence sexuelle commerciale sur l’agenda des instances publiques et associatives de la région, afin que des mesures autres que palliatives soient enfin prises. C’est aussi une manière de rendre durables les actions entreprises.

Et pour compléter ce travail effectué avec les adultes. Ayni a aussi lancé plusieurs initiatives destinées aux jeunes, tels que le « Conseil municipal des enfants ». Nous assistons à la 3e session de ce conseil composé de 11 enfants entre onze et douze ans. Parmi les revendications qui seront transmises au vrai conseil municipal il y a : avoir un bus scolaire, installer des poubelles, la création d’une auberge pour accueillir les jeunes abandonnés et/ou victimes de violence, la mise en place de mesures de sensibilisation sur la violence sexuelle et la traite, mettre en place une journée de la Non Violence pour « ne plus voir de violence en Bolivie ».
Conseil municipal des enfants