Pérou: succès dans la lutte contre la traite des mineures

L’association Huarayo dénonce traite et exploitation sexuelle des mineures dans l’une des régions d’extraction d’or.

Après des années d’efforts pour dénoncer traite et exploitation sexuelle des mineures dans l’une des régions d’extraction de l’or en Amazonie péruvienne, l’association Huarayo se félicite des mesures prises par le nouveau gouvernement. L’extraction de l’or, dans le département de Madre de Dios, ne signifie pas seulement un désastre écologique dû à la destruction de la forêt amazonienne et la pollution des sols et de l’eau par le mercure utilisé en abondance pour amalgamer l’or. Elle provoque aussi un désastre social par l’arrivée massive de migrants, l’exploitation de la main-d’œuvre et l’explosion du phénomène de la prostitution, en particulier celle des enfants qui en découle.

Selon le ministère de la Justice et de la Police, près de mille mineures en seraient victimes dans ce département. Une situation directement liée à l’absence flagrante de l’Etat dans une grande partie de la région et aux tristes réalités de l’orpaillage illégal et informel pratiqué par plus de 30’000 chercheurs d’or.

Soutenue par Terre des Hommes Suisse depuis sa création en 1998, l’association Huarayo, basée dans la petite ville de Mazuko, s’engage en faveur de jeunes de familles démunies de la région. La lutte contre les violations des droits de l’enfant est l’une de ses multiples activités. Oscar Guadelupe, cofondateur et directeur de Huarayo, explique: «Notre foyer joue un rôle essentiel, car c’est le seul endroit de Madre de Dios qui accueille les jeunes victimes de traite. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement, qui ne dispose pas de tels refuges. Ici, nous donnons tous les soins nécessaires aux jeunes filles qui ont été sauvées de la prostitution grâce aux actions policières. La plupart sont des adolescentes de 12 à 15 ans, et certaines ont déjà un enfant! Elles reçoivent aussi un soutien, tant psychologique que légal».

«Un travail important consiste aussi à retrouver leurs familles, originaires pour la plupart des régions rurales de Cuzco et Puno, et parfois même de l’autre extrémité du pays», ajoute Ana Hurtado, épouse d’Oscar Guadelupe, cofondatrice et coresponsable de Huarayo. «Ces familles qui généralement les ont laissé partir en échange de belles promesses, sont informées des graves violations subies par leurs enfants et de l’importance de leur soutien pour les aider à surmonter leur traumatisme. Rencontrer ces familles, c’est aussi l’occasion de les informer, ainsi que tout leur entourage, des pratiques criminelles des mafias de la prostitution».

Visite onusienne

Ces dernières années, notre partenaire Huarayo a été particulièrement sollicité par les médias nationaux et internationaux pour témoigner des ravages de la traite et des multiples abus sexuels perpétrés sur des mineures à Madre de Dios. Sa longue expérience et l’important réseau de groupes locaux de défense des droits de l’enfant defensorías qu’il a créé, lui ont permis de devenir un acteur incontournable, également au niveau des autorités régionales et nationales. Ainsi, à la fi n 2011, notre partenaire a été appelé à former les fonctionnaires du ministère de la Femme et des Populations vulnérables à la problématique de la traite.

En mai 2011, Huarayo a reçu la visite de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, dans le cadre de sa mission au Pérou. Elle a ainsi pu entendre des témoignages de victimes de traite, ainsi que d’exploitation et maltraitance au travail, et rencontrer les autorités locales. Le rapport et les recommandations rédigés à la suite de cette visite ont été transmis au gouvernement péruvien, qui a rapidement pris des mesures. La principale d’entre elles a été la création d’un centre multidisciplinaire contre la criminalité, localisé sur la route interocéanique à l’entrée de Mazuko, qui permet le contrôle de l’unique accès routier dans le Madre de Dios. Près de 1500 policiers y sont basés de manière permanente et effectuent notamment des descentes régulières dans les lieux de prostitution pour réprimer la traite d’enfants. Les nouvelles mesures gouvernementales pour lutter contre l’exploitation illégale ont provoqué de violentes manifestations de milliers d’orpailleurs en mars dernier. Oscar, Ana et leur équipe, menacés à diverses reprises, continuent leur lutte dans des conditions particulièrement difficiles, violentes et dangereuses: un engagement qui force l’admiration.

Article paru dans le journal Terre des Hommes Suisse n°106