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Causerie dans un village de la commune de Ouelessébougo

Comme dans d’autres pays en voie de développement, le Mali est confronté a un problème structurel, aux lourdes conséquences humaines: l’exode des jeunes filles des villages vers les villes. Les raisons qui poussent chaque année des milliers d’entre-elles à quitter leur foyer sont multiples : nécessité de gagner de l’argent afin de pouvoir se constituer son trousseau de mariage (1), fuite du village pour éviter un mariage forcé, ruée vers les nouvelles zones d’extraction minière promettant de l’argent soit disant facile, mais également attraction légitime pour les «lumières de la ville» et sa modernité affichée.

Il est aisé de s’imaginer que cet exode comporte de nombreux risques, notamment dans la ville de destination. En effet, la grande majorité de ces jeunes filles est engagée comme aide familiale auprès de familles citadines. Elles s’occupent du ménage, font les courses, préparent à manger, tiennent des petits stands de vente, etc. Malheureusement, ceci n’est pas sans danger: les cas de violences et d’abus sexuels au sein de la maison sont fréquents, les salaires sont souvent versés de manière irrégulière, voir pas du tout, de nombreuses grossesses non désirées sont constatées et les conditions d’hébergement et de nutrition s’apparentent souvent à de l’esclavagisme moderne.

Une partie de l'équipe d'APSEF

A Bamako, l’association partenaire de Terre des Hommes Suisse APSEF s’engage en faveur de ces enfants déplacés. Si elle apporte une protection et une aide concrète à une cinquantaine d’aides familiales de la capitale (voir le carnet de route de demain), elle est consciente que la solution à ce problème doit également se chercher en amont, soit au niveau des villages de départ. Pour ce faire, l’association effectue un important travail de sensibilisation dans une trentaine de villages de la région de Koulikoro, au Sud de Bamako. 

C’est ainsi que la délégation de Terre des Hommes Suisse et APSAF se sont rendus aujourd’hui dans un village proche de Ouelessébougo, à une heure de route de la capitale. Plusieurs causeries – des groupes de parole –  y sont régulièrement organisées par notre partenaire afin de pouvoir aborder la question de l’exode des jeunes filles. Et les discussions portent sur différentes thématiques : sensibilisation de la communauté aux droits de l’enfant, organisation de rencontres entre d’anciennes aides familiales et des candidates au départ, sensibilisation des parents aux risques liés à l’exode et aux dangers existants dans la ville de destination. 

Arrivée au village

Si l’accueil des villageois – principalement des villageaoises – et de leurs enfants fut des plus chaleureux, la causerie à laquelle nous avons pu assister fut riche en enseignements. Bien que ce projet de concertation communautaire n’ait démarré que depuis quelques mois, nous avons pu constater le potentiel de cette approche participative. C’est vrai, le niveau d’organisation des femmes n’en est qu’à sa phase de démarrage. C’est vrai aussi que les hommes, bien que conscients de l’injustice que constitue la dote de mariage vis-à-vis des femmes, peinent à dépasser leurs schémas traditionnels. Mais que les échanges furent vifs et engagés, et la parole libérée! Plusieurs femmes n’ont pas hésiter à interpeller directement les chefs du village pour leur faire part de leurs revendications. D’autres ont témoigné de leurs expériences et des raisons qui les ont poussées à accepter l’exode de l’une de leur fille. Certaines enfin ont soulignés à quel point leur dénuement et leur pauvreté constituaient un obstacle majeur pour un avenir meilleur. Alors oui, ce processus de sensibilisation et de concertation doit être consolidé. Mais la dynamique constatée lors de cette causerie nous confirme que notre partenaire est sur le bon chemin, que ces villageoises apprécient ses interractions et qu’il existe un véritable potentiel de développement communautaire. Tout cela nous donne envie d’une seule chose: poursuivre ce chemin à leurs côtés. 

Les anciens du village écoutent attentivement.

(1) Afin de pouvoir se marier, une jeune femme est contrainte de disposer d’un trousseau de mariage pour aménager son foyer et celui de son futur mari. Et la tâche est ardue. En effet, un trousseau de mariage se compose traditionnellement d’ustensiles de cuisine, de vêtements, de tissus, mais également de chaises et même de…meubles ! En moyen, cela équivaut à un budget de 150’000 CFA, soit environ 300 francs suisses. Comme la famille ne dispose pas de cette somme, ces acquisitions sont à la charge de la future mariée. Seule solution pour elle: rejoindre la ville afin d’y trouver un travail d’aide familiale, et ce pour une durée de deux à trois ans.