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« Au moment du départ, je pensais que cela ne durerait que quelques semaines. Et voilà plus de 17 mois que nous sommes loin de chez nous. »

Le conflit qui a lourdement frappé le Mali – principalement au Nord – de 2012 à 2013 a contraint des centaines de milliers de personnes à fuir leur domicile. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies, plus de 230’000 personnes se seraient enfuies dans le sud du Mali durant cette période et 150’000 dans les pays avoisinants. Les enfants n’ont hélas pas  été épargnés: rien que dans le cercle de Mopti, plus de 12’000 enfants déplacés – dont 7300 filles – ont été recensés.

Pour venir en aide aux personnes fuyant le Nord, notre partenaire ADAC a mis en place en avril 2013 un programme d’urgence à Niamakoro, l’un des quartiers les plus vastes et les plus peuplés du VIe district de Bamako. 25 familles déplacées ont ainsi pu bénéficier d’un hébergement temporaire, d’une aide alimentaire et d’un appui pour la rescloarisation de leurs enfants dans les écoles du quartier. Rencontre avec Monsieur Issa Dicko, l’un des bénéficiaires de ce programme.

Vous étiez à Gao lors de l’arrivée des rebelles. Que c’est il passé ?

Le 31 mars 2012, les rebelles sont arrivés en ville. Ils sont venus chez moi et ont volé ma moto. De nombreux proches se sont également fait voler leurs véhicules. Puis rapidement, nous avons entendu que la charia allait être appliquée partout. Les djiadistes détruisaient les églises et pillaient les écoles. Tout cela était vraiment très inquiétant.

C’est ce qui vous a poussé à partir?

En fait, je suis surtout parti pour protéger mes enfants. Ma fille ne mangeait presque plus rien. Et mon jeune fils était terrorisé lorsqu’il entendait les rafales dans les rues de la ville. Il courrait vers moi pour se réfugier dans mes bras. Je voulais donc mettre ma famille à l’abri.

Vous avez donc fuit la ville en avril.

Effectivement. Mais au moment du départ, je pensais que cela ne durerait que quelques semaines. Et voilà plus de 17 mois que nous sommes loin de chez nous. Jamais je n’aurai cru que cela durerait aussi longtemps.

Où avez-vous logé à Bamako ?

Au départ, nous avons été accueillis dans un centre appartenant à l’église protestante. Nous dormions dans la cour intérieure aux côtés de 25 autres familles déplacées, toutes originaires de Gao ou de Tombouctou. Les conditions étaient très difficiles. Par la suite, avec l’appui d’ADAC, nous nous sommes organisés et avons pu trouver des logements à louer pour regrouper plusieurs familles. Mais certaines familles vivent encore aujourd’hui dans la cour du centre.

Et comment vos enfants ont vécu cet exil forcé ? 

Ce fut très difficile pour eux. Comme beaucoup d’autres enfants déplacés, ils faisaient des cauchemars. Mais le fait d’avoir pu intégrer l’école du quartier les a beaucoup aidé.

C’est à dire ?

Les premières semaines sur les bancs de l’école furent éprouvantes. Les autres enfants les méprisaient, les traitant parfois de « rebelles ». Et il fallait rattraper le retard scolaire accumulé. Mais peu à peu, mes enfants se sont fait de nouveaux amis. Et grâce à la Commission des élèves déplacés, mise en place avec le soutien d’ADAC, nous avons pu travailler main dans la main avec les enseignants.

Pensez-vous pouvoir retourner prochainement à Gao ?

Par chance, oui. Dans l’ensemble, les conditions semblent réunies pour retourner dans notre ville (1). Les écoles ont réouvertes, l’animation revient, les marchés sont à nouveau fournis. Et de nombreux déplacés font le chemin inverse. D’ailleurs, j’ai déjà un date de retour : le 14 septembre prochain ! Car je souhaite pouvoir inscrire mes enfants là-bas pour la prochaine rentrée scolaire, qui a lieu en octobre. Et je me dis aussi qu’on ne peut pas continuer à rester en marge, et que notre ville a besoin de nous. Il est temps que la vie reprenne à Gao.

Et savez-vous dans quel état est votre maison ?

Je suis retourné il y a quelques semaines à Gao pour voir l’étendu des dégâts. Par chance, mon logement a été épargné. Mais il ne reste plus rien dedans ! Vous savez, tout a été pillé dans les maisons : les meubles, les ventilateurs, parfois même les fils électriques dans les murs ! Et les rebelles ont également volé les quelques chèvres que j’avais…

Que pensent vos enfants de ce prochain retour ?

Vous voyez cette caisse ? Je l’ai acheté ce matin pour mettre nos affaires. Et bien, quand mon plus grand fils l’a vue, il s’est écrié : «On rentre à la maison!». Puis il est allez chercher ses frères et soeurs et ils ont passé la matinée à nettoyer leurs chaussures pour être fin prêt pour le départ. Regardez, elles sèchent encore dans la cour!

Dans la cour, les chaussures sont prêtes pour le retour!

(1) Les dernières nouvelles sont malheureusement moins rassurantes: le Nord connait un regain de tension et un nouvel attentat a eu lieu le 28 septembre 2013 à l’entrée du camp militaire de Tombouctou. Pour en savoir plus, cliquez ici.