Hatary Warmi ou une oasis en plein désert

Au centre éducatif de Chillón, la création d’un jardin potager fait fleurir de nouvelles perspectives. 80 enfants âgés de quelques mois à 7 ans bénéficient d’un encadrement et d’une éducation de qualité.

Au centre éducatif de Chillón, la création d’un jardin potager fait fleurir de nouvelles perspectives.

En arrivant dans le quartier de Laderas de Chillón, aux portes de la capitale péruvienne, on est d’abord étonné par l’invasion du sable. Les rues, les maisons et mêmes les rares arbres sont couverts de cette poudre grise qui rappellent que Lima est construite en bordure d’un désert. Edifié au milieu des collines de pierre, le quartier accueille les migrants venus en majorité des Andes pour trouver du travail en ville. Ils ont construit leur maison comme ils le pouvaient: en tôle, avec des bâches de plastique ou même en briques; mais toutes semblent en attente, telle d’un étage, telle autre de murs. C’est dans ce paysage désolant que nous attend une surprise aux abords du centre éducatif de Chillón: un grand jardin potager qui apporte une touche de vert tendre, comme une oasis en plein désert.

Accueil de 80 enfants

Soutenue depuis 2002 par Terre des Hommes Suisse, l’association Hatary Warmi a mis sur pied un centre éducatif qui accueille 80 enfants âgés de quelques mois à sept ans, afin qu’ils puissent bénéficier d’un encadrement et d’une éducation de qualité. Parallèlement, et avec le souci de leur offrir une alimentation saine et équilibrée, Hatary Warmi propose également des repas et des appuis scolaires l’après-midi, qui permettent aux parents de travailler et de laisser leurs enfants dans un environnement sûr. L’école publique au Pérou se termine à 13h, les enfants sont alors souvent laissés seuls pendant plusieurs heures, dans les rues ou devant la télévision, et ne font pas de réels repas avant l’arrivée des parents le soir.

Des courgettes dans l’assiette

Afin d’améliorer encore la qualité des repas, un potager bio a été aménagé en début d’année. Et tout le monde s’y est mis. La municipalité de Puente Piedra a fait don du terrain (1000 mètres carrés) et apporté le terreau indispensable dans cet environnement désertique, les habitants du quartier et les parents d’élèves, enthousiastes, donnent de leur temps et prêtent main-forte à l’équipe d’Hatary Warmi pour les cultures.

Lors de notre visite en août, le jardin offrait déjà une impressionnante production de tomates, poireaux, courgettes, choux, salades, haricots, courges, qui se retrouvent dans les assiettes à la cantine. Cela permet aux enfants de découvrir de nouvelles saveurs, comme celle de la courgette qu’ils ne connaissaient pas. Les élèves, encadrés par les enseignants, participent aux activités de jardinage. Le travail ne manque pas puisque l’objectif est de doubler la surface cultivable en 2014.

Un nouveau partenariat avec l’Etat

Afin de développer de nouvelles activités et renforcer son autonomie, l’association Hatary Warmi s’est lancée dans une nouvelle collaboration avec le gouvernement péruvien. Introduit récemment sous l’impulsion du président péruvien Ollanta Humala, le programme Cuna Más est mis en oeuvre dans toutes les régions du pays déclarées d’extrême pauvreté, dont fait partie la banlieue de Puente Piedra. Il a pour objectif de fournir aux enfants de moins de trois ans une éducation intégrale qui allie pédagogie, santé et alimentation (voir plus bas).

Afin de gérer ce programme sur le plan municipal, cinq femmes d’Hatary Warmi se sont réunies en comité de gestion. Elles ont sous leur responsabilité treize centres, avec pour chacun une madre cuidadora ou maman de jour, lesquels accueillent au total 104 enfants (huit par centre), de 8h à 16h. Le comité de gestion s’occupe du fonctionnement notamment financier du programme, ce qui va de la gestion du budget nourriture au versement des salaires à chaque équipe composée de la maman de jour, des cuisinières et livreurs de repas.

Notre partenaire se charge aussi de l’inscription des enfants, du suivi des familles et de l’évaluation du programme. Pour ce faire, une collaboration étroite est établie avec l’assistante sociale de l’Etat. Ensemble, ils visitent régulièrement les centres, passent des entretiens avec les mamans de jour et leur fournissent une formation pédagogique de base. Une nutritionniste, également rémunérée par l’Etat, complète le dispositif. Elle établit les menus que reçoivent les enfants et promeut des produits équilibrés et locaux.

C’est grâce à sa large expérience éducative, et surtout à sa reconnaissance par les autorités publiques, que notre partenaire a été choisi pour diriger ce programme étatique à Puente Piedra. Le défi pour ces prochains mois est d’augmenter le salaire des mamans de jour, actuellement très bas, et d’obliger les responsables communaux à mettre des locaux à disposition pour ouvrir d’autres centres Cuna Más pour répondre à la forte demande des parents.

Le programme Cuna Más

Le programme national Cuna Más a été lancé en 2012 par le ministère du Développement et de l’Inclusion Sociale. Son objectif est d’améliorer le développement de l’enfant avant son entrée à l’école dans les zones d’extrême pauvreté en promouvant une attention intégrale à l’enfant qui prenne en compte les dimensions nutritionnelle, sanitaire et pédagogique. À l’heure actuelle, ce sont près de 60 000 enfants qui participent au programme, en particulier dans les zones rurales mais également dans les banlieues défavorisées des grandes villes du pays. Cuna Más est géré au plan municipal à travers un partenariat entre l’Etat et la communauté dans laquelle le programme se déroule. Sa mise en oeuvre est assurée par les comités de gestion formés par des représentant-e-s de la communauté.

Article rédigé par Tanja Guggenbühl, tiré du journal Terre des Hommes Suisse n°112, novembre 2013