Inde: donner des ailes aux jeunes

Un fonds de roulement permet à des jeunes de quatre quartiers défavorisés de Kolkata (Calcutta) de lancer leur petite entreprise. Ce fonds de roulement fait suite aux rattrapages scolaires et aux formations professionnelles adaptées menés par Span, partenaire de Terre des Hommes Suisse à Kolkata. Il s’agit du troisième volet d’un programme qui permet à des jeunes qui ont connu l’échec scolaire et un retard important dans leur cursus de se transformer en petit-e chef-fe d’entreprise autonome.

Depuis plusieurs années, Span a conduit des volées successives d’élèves en rupture scolaire jusqu’à l’examen validant la fin de la scolarité (10e standard). Comment? En organisant des cours de rattrapage accéléré qui permettent à ces élèves surâgés de reprendre le train d’une formation délaissée pour diverses raisons: problèmes familiaux, pauvreté, exploitation, etc.

Formation et intégration
L’accomplissement de la scolarité ne permet toutefois que rarement de trouver des opportunités de travail, d’où l’intérêt de la mise en place de formations professionnelles dans des domaines offrant des débouchés, comme la réparation de téléphones portables ou le travail d’esthéticienne. Les formations dans ces domaines se déroulent sur 6 à 9 mois et donnent aux jeunes, en général âgés de 17 à 20 ans, les compétences techniques qui leur permettent d’être «concurrentiels» et de répondre efficacement aux demandes de clients.

Cependant la formation seule ne débouche pas forcément sur un travail assuré, c’est la raison pour laquelle un mécanisme permettant aux jeunes de se lancer a été développé. Depuis le début du mois de février 2014, avec le soutien de l’entreprise SGS basée à Genève, un fonds de roulement a été créé pour permettre aux jeunes de lancer leur micro-entreprise.

Le principe est simple: le fonds prête de l’argent à un jeune qui a documenté un projet d’entreprise. Celui-ci s’engage à le rembourser sur un délai déterminé (entre 12 et 18 mois), avec 1 % d’intérêt mensuel, ce qui permet d’alimenter le fonds pour les volées ultérieures. Les premiers résultats sont prometteurs: 6000 francs suisses ont été déboursés pour cinq prêts (trois pour des petites échoppes de réparation de portables, deux pour des salons d’esthéticiennes), et les revenus générés notamment en février laissent espérer clairement un remboursement du prêt dans les règles. Notamment parce que le secteur de la réparation de téléphones portables représente un marché important et porteur, mais aussi parce que les jeunes reçoivent des commandes au sein même de leur communauté et de leur quartier où ils sont donc (re)connus.

«J’ai étudié jusqu’en 8e puis j’ai dû arrêter. J’ai rattrapé mon retard avec l’open-school system, ensuite j’ai choisi de suivre le cursus sur la réparation des téléphones portable: un cours de 6 mois que j’ai terminé en 18 mois. Beaucoup de personnes dans mon quartier sont devenues des clients. Maintenant j’ai un bon salaire et je peux soutenir ma famille, en particulier mon père malade. Je travaille depuis chez moi, comme indépendant, mais peut-être que bientôt je pourrai ouvrir ma propre échoppe», se réjouit Samrat, bénéficiaire du projet.

Un projet innovant et complet
En Inde, plus d’un enfant sur six travaille au lieu d’aller à l’école! Dans les quartiers défavorisés de Kolkata, de nombreux enfants n’iront jamais à l’école ou la quitteront avant la fin de la scolarité – les filles davantage encore –, ce qui bloque leur accès aux formations professionnelles. Dans les bidonvilles de Kolkata, les conditions de vie ressemblent à des conditions de survie: le taux de chômage est très élevé, les conditions sanitaires déplorables et le risque d’expulsion permanent. La pauvreté pousse les parents à envoyer leurs enfants au travail.

Span, partenaire de Terre des Hommes Suisse, prévient l’abandon du système scolaire par deux formes de soutien: des open-schools pour celles et ceux qui ont déjà quitté l’école (cours en petits groupes avec examens, qui permettent aux enfants de rattraper leur retard scolaire) et des formations professionnelles alternatives dont le but est de stimuler les enfants en leur montrant des métiers qui nécessitent une formation, d’où l’intérêt de terminer sa scolarité obligatoire. S’ajoute maintenant l’accompagnement vers la recherche d’emploi. Un projet qui bénéficie à 500 enfants et jeunes entre 12 et 18 ans.

Article rédigé par Marc Joly, tiré du journal Terre des Hommes Suisse n°114, juin 2014