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Interview de Vincent Kaboré

Interview de Vincent Kaboré, coordinateur régional Afrique – Caraïbes à Terre des Hommes Suisse

Propos recueillis par Souad von Allmen, Genève, le 18 septembre 2014

Parmi les premiers coordinateurs nationaux engagés par Terre des Hommes Suisse, Vincent Kaboré a couvert pendant près de vingt ans les projets soutenus au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal. Il est aujourd’hui coordinateur régional Afrique-Caraïbes. Sa vision de ce nouveau défi.

«Il y a une évolution qui s’est faite à Terre des Hommes Suisse. Les coordinations nationales (CN) se sont affirmées comme des relais utiles voire indispensables pour développer le travail de Terre des Hommes Suisse sur le terrain et auprès de ses partenaires locaux. J’étais seul à suivre les différents programmes dans les trois pays d’Afrique de l’ouest, on a aujourd’hui un ou une CN dans chaque pays.

» On parle depuis longtemps d’approche programme, dans l’idée d’harmoniser, de recentrer pour plus de cohérence et d’impact, et non pas saupoudrer notre soutien. C’est une valeur ajoutée en terme de visibilité également. La mise en place d’une approche régionale participe à cette stratégie. C’est une question de cohérence mais aussi l’opportunité de développer le partage de connaissances. J’essaie de diffuser les expériences réalisées dans les différents pays. Aujourd’hui mon rôle est d’éviter le cloisonnement qui aurait pu être généré par la mise en place de ces nouvelles CN dans chaque pays. Autre élément, la plupart de nos nouveaux CN sont assez jeunes et il est utile de les accompagner pour leur permettre de bien assurer leur travail auprès des partenaires.

» Nous avons déjà organisé trois rencontres régionales. La dernière a eu lieu  au Sénégal en avril 2014. Nous avons avancé sur la définition du cadre de travail, nous avons aussi été formés sur le concept de Keep Children Safe (KCS) soutenu par Terre des Hommes. Nous avons surtout développé l’approche des 5C (5 capacités), un outil à utiliser avec les partenaires et qui permet notamment de définir les lignes de base. Un vrai travail de renforcement de nos partenaires ! D’autres formations vont avoir lieu, en particulier en décembre prochain à Ouagadougou où nous allons parler de participation et de gestion stratégique des projets.

» On s’est rendu compte que les 3 contextes (au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, ndlr) présentaient des similarités, de même dans les choix des domaines d’action de TdH. De manière naturelle on a voulu gérer conjointement ces trois contextes pour une meilleure efficience. Que les leçons apprises dans un pays puissent être utiles dans le pays voisin. Haïti a été intégré dans ce pack régional pour des questions de similarités. Différentes rencontres ont été organisées en Afrique et en Suisse, en collaboration avec TdH Allemagne, précise Marc Joly, coordinateur des programmes. Une dynamique d’équipe est en place. Il s’agit de mettre en place une vision commune maintenant.»

Vincent s’envole pour Haïti. Une première. Il se réjouit de cette découverte. «Haïti a été rattachée pendant longtemps à la zone Amérique latine, et depuis quelques années à l’Afrique. Nous avons les mêmes problématiques, nous appréhendons les problèmes de la même manière et notre environnement culturel est similaire. Nous avons tout pour développer une bonne synergie. Le seul handicap, et de taille, est l’éloignement géographique. Notamment pour les rencontres qui demandent un certain budget. Heureusement avec les nouvelles technologies, on a la possibilité d’échanger et de partager nos méthodes online. Ma visite sur place sera également utile pour imaginer comment amoindrir ces inconvénients.»

Premières impressions de la visite à Haïti
Par Vincent Kaboré, de retour à Ouagadougou, octobre 2014

Mes premières impressions commencent à l’aéroport d’Orly ouest (Paris) dans le hall d’embarquement sur Air Caraïbes. L’ambiance était comparable à celle des halls d’embarquement pour l’Afrique (majorité de noirs, ferveur des retrouvailles, grande jovialité des passagers, etc.). Je suis pris pour un Haïtien: tout le monde me parle en créole!
Arrivé à Port-au-Prince, la capitale, ma première perception est la présence de beaucoup de jeunes gens dans les rues étroites. J’apprends alors que 60 % de la population a moins de 20 ans. L’ambiance et le panorama dans les rues ressemblent beaucoup à ceux des rues en Afrique.
Outre ces sensations des premiers instants, les éléments marquants du contexte haïtien que je retiens peuvent être résumés comme suit:

  • Le développement économique d’Haïti est comparable à celle des pays africains pauvres. Les mêmes problèmes de santé, d’hygiène, d’éducation, de logement, de violences, etc. y sont présents.
  • Haïti est un pays montagneux avec des paysages très diversifiés, un sol fertile et un sous sol apparemment riche.
  • Les empreintes du séisme sont encore présentes (maisons fendillées ou colmatées, quelques sites d’accueil de sinistrés encore pas totalement  démantelés, etc.).
  • Une faible structuration de la société civile (la plupart des partenaires de Terre des Hommes Suisse sont des structures de base).
  • 60% des familles sont monoparentales avec plusieurs enfants et une femme comme cheffe de famille.
  • Une forte démographie : 10 millions d’habitants sur 28’000 km2.
  • Une émigration importante des Haïtiens et notamment des cadres vers le Canada, la France, les USA, la république Dominicaine, etc. La diaspora haïtienne est très importante et rapporte à l’économie haïtienne plus que toute l’aide internationale.
  • L’histoire d’Haïti est vieille de plus de 200 ans, mais cette histoire reste très présente dans la mémoire collective haïtienne et influe toujours sur la vie quotidienne et le comportement des Haïtiens.
  • L’Etat haïtien est peu présent sur le terrain avec une très grande centralisation du pouvoir à Port au Prince.
  • Sur le plan politique, le blocage actuel des élections législatives et le retour de l’ancien président Aristide qui jouit encore d’une certaine popularité fait craindre des remous politiques à court ou moyen terme.

En conclusion, j’ai eu l’impression d’être en Afrique, tant au niveau des paysages, des scènes de la vie quotidienne, des visages et du comportement des gens, et même de certaines espèces végétale et animale qu’on y retrouve. À part quelques spécificités comme «les bouts de maisons qu’on coupe à Port-au-Prince pour élargir certaines voies» (jamais vu ailleurs; en général, on les détruit), c’est vraiment comme un bout de l’Afrique planté au milieu de l’océan, à plusieurs milliers de kilomètres du continent.