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Diobass – Tiguana – 3.12.2014

Après 1h30 de piste cabossée au milieu de la savane africaine (sans lion ni éléphant…), nous voici de retour sur la mine aurifère de Tiguana, visitée la semaine passée. Nous sommes à la recherche de témoignages d’enfants travaillant ici.

Le chef du site est un homme du village voisin: après de longues explications, plusieurs jours auparavant, il a accepté notre venue car il souhaite endiguer la présence des enfants sur son site. Lors de l’attribution d’un site minier par l’administration, chaque chef de site s’engage en effet à respecter un cahier des charges interdisant le travail des enfants. Or M. Ouédraogo nous avoue son impuissance face à l’afflux incessant d’enfants des villages voisins. Comment les empêcher de succomber à la fièvre de l’or quand on connait leurs conditions de vie d’extrême précarité? Il a toutefois mis en place un certain nombre de règles limitant l’exposition des enfants aux aspects les plus dangereux de la mine: les enfants en dessous de 14 ans ne peuvent descendre dans les trous ni manipuler mercure ou cyanure, produits toxiques utilisés ici pour amalgamer la poussière d’or, comme dans bon nombre de mines artisanales aux quatre coins de la planète.

Après lavage, quelques éclats d'or apparaissent...

Nous sommes introduits par le chef du site auprès du chef… de la terre, qui nous donne sa bénédiction pour aller rencontrer des enfants. Au cours de longs palabres, nous comprenons qu’il y a un litige entre le village et le chef du site: l’eau indispensable pour laver la terre et en extraire l’or vient à manquer pour le village et menace la vie des habitants dans les prochains mois. 

Puis nous rendons visite au chef… du village qui doit nous donner son accord pour pénétrer dans les concessions des enfants que nous rencontrerons sur le site. A chaque fois, le protocole de bienvenue se répète: des échanges très codifiés pour prendre des nouvelles de la famille, des enfants et qui se terminent par Lafi bala: rien que la paix, tout va bien. Nous buvons ensuite le dolo, la bière de mil, dans une calebasse que les étrangers au village se partagent.

Accords obtenus. Ce qui veut dire que notre venue a été bien préparée par notre partenaire local, Stéphanie.

Très vite, sur le site, nous repérons parmi la myriade d’enfants de tous âges un jeune garçon qui prépare à manger et une petite fille qui trie des cailloux.

Setu semble terrorisée par notre approche, Stéphanie la rassure gentiment en moré et lui explique qui nous sommes. Elle ne connait pas son âge… nous l’estimons à 10-11 ans. Setu habite le village voisin et vient tous les jours sur la mine avec sa maman, ses tantes – dont une est enceinte- et ses frères et soeurs. Un seul de ses petits frères va à l’école, parce que cela lui plait, nous racontera plus tard sa maman. Setu et sa maman creusent et ramassent des cailloux sur le site sous un soleil de plomb puis les lavent sur place ou chez elles dans l’espoir d’y trouver de la poussière d’or. Si jamais Setu trouve une pépite, elle construira une maison pour sa famille.

Setou, 10 ans, sélectionne les cailloux qui pourraient contenir des traces d'or

Saïdou a 11 ans et travaille sur la mine depuis 1 mois. Il habite lui aussi le village distant de quelques centaines de mètres du site. Il y vend de l’eau, du bois et prépare à manger pour un groupe d’orpailleurs. Au menu, haricot et riz deux fois par jour, tous les jours… Ses quatre grands frères travaillent aussi sur la mine. Saïdou est déjà descendu une fois dans un trou pour creuser mais il n’aime pas ça. Son rêve? Trouver assez d’or pour se construire une maison, s’acheter une moto et avoir encore de l’argent pour sa maman.

La fièvre de l’or exerce son pouvoir sur tout le monde, petits et grands.

On sent une tension très forte sur le site, notre venue n’est pas appréciée par tout le monde et une étincelle pourrait faire éclater une bagarre, tant les orpailleurs sont sous l’emprise de stupéfiants leur permettant d’endurer ces conditions de travail inhumaines. Tandis que nous parlons aux enfants, un groupe de jeunes orpailleurs se forme derrière nous… nous nous éloignons rapidement. Stéphanie me dira plus tard que cette mine est connue pour sa dangerosité du fait d’un usage massif de drogues. Ambiance…

La présence de ces dizaines de jeunes enfants sur le site est juste bouleversante, car ils sont exposés à tous les dangers, dans un climat de violence exacerbée. Mais l’attrait de l’or pour ces familles qui n’ont rien est vraiment le plus fort.