Les enfants d’Eden

Au Sénégal, de nouveaux partenaires issus de la société civile, porteurs d’une initiative originale, permettent à Terre des Hommes Suisse d’accroître ses activités pour la protection de l’enfance.

Au Sénégal, de nouveaux partenaires issus de la société civile, porteurs d’une initiative originale, permettent à Terre des Hommes Suisse d’accroître ses activités pour la protection de l’enfance.

La banlieue de Dakar s’est développée de manière anarchique sous la pression démographique, conséquence notamment de l’exode massif des campagnes vers les villes après des sécheresses répétées. Dans ces communes côtières défavorisées, les conditions de vie sont diffi ciles pour les jeunes qui constituent plus de 50% de la population. Les familles, qui peinent à trouver un logement et du travail, vivent grâce au petit commerce et à l’artisanat, des activités relevant du secteur dit «informel». Les services sociaux de base manquent également pour couvrir les besoins spécifi ques à la jeunesse, comme la santé, l’éducation, le sport ou les loisirs. De nombreux enfants se retrouvent déscolarisés, en situation de vulnérabilité ou d’exploitation. Parmi eux, des enfants orphelins, en rupture familiale ou porteurs d’un handicap, travailleurs ou mendiants, qui nécessitent une attention particulière.

Protection, éducation et citoyenneté
Terre des Hommes Suisse se joint à un projet novateur qui allie droit à l’éducation, protection de l’enfance et promotion de la citoyenneté, mené par l’association sénégalaise Eden (Education et développement de l’enfant). Dans un environnement sécurisé, des milliers d’enfants et d’adolescents bénéficient d’un soutien parascolaire adapté à leurs besoins ainsi que d’animations socio- éducatives axées sur les droits de l’enfant. Ils apprennent en particulier à identifier les risques d’abus, à favoriser leur signalement et à orienter les victimes vers les services concernés.

Les activités d’Eden ont commencé en 1992 dans la commune de Pikine où de nombreux enfants décèdent, victimes de noyade, alors qu’ils jouent seuls sur la plage. Pour éviter de tels drames, un travail de prévention et des activités, principalement des camps de vacances, sont d’abord proposés à ces enfants défavorisés et désœuvrés. Puis, forte de son succès, l’organisation décide d’offrir des animations toute l’année.

Au Sénégal, le double flux (classe le matin ou l’après-midi) dans les écoles nationales débordées par le nombre d’élèves a souvent pour conséquence des difficultés sur le plan scolaire. Eden introduit des cours de rattrapage qui obtiennent de très bons résultats, au point que l’école régulière adopte cette même pratique. Par ailleurs, Eden travaille aussi avec des enfants talibés. Ces jeunes garçons issus de familles pauvres sont confiés par leurs parents à un maître coranique pour qu’il se charge de leur éducation religieuse. Le plus souvent, les talibés sont contraints de mendier dans les rues afin de subvenir à leurs besoins et ceux de leur maître, et deviennent des proies faciles pour des personnes peu scrupuleuses. Eden développe des activités sociales et de sensibilisation, un travail en partie financé par des collectes dans les écoles.

Bénéficiaires hier, militants aujourd’hui
En 2002, Eden intègre le Paden (Plan d’action des droits des enfants). Dès lors, la promotion et la protection des enfants deviennent leurs principaux leitmotivs. L’association développe les «clubs Eden» dans lesquels les enfants et les jeunes sont conscientisés et s’affirment comme protagonistes de leurs propres droits. Ainsi, ils se transforment en agents de participation et de promotion citoyenne au sein de leur communauté. Les clubs se développent dans les divers degrés: écoles primaires, collèges et universités. L’appui de nombreux 9 cadres illustre bien la réussite de ses programmes: ce sont d’anciens bénéficiaires qui, une fois devenus adultes, continuent à militer pour les droits de l’enfant au sein de l’association.

Parmi ses activités, Eden a également créé un réseau de «marraines» pour la protection de l’enfance, qui s’étend sur dix communes. Ces femmes accueillent les enfants en situation de vulnérabilité et deviennent leurs référentes. Elles recueillent plaintes ou dénonciations et orientent les enfants vers les institutions adéquates.

Le droit à l’éducation, la protection de l’enfance et la promotion de la citoyenneté sont donc au cœur des activités d’Eden qui, dans une approche alternative et novatrice, privilégie l’aspect participatif des enfants. L’institution a su obtenir des effets à la fois sur le renforcement scolaire et sur le changement des mentalités pour promouvoir les droits de l’enfant. Plutôt que d’être victimes, les enfants deviennent les émissaires de leur propre action citoyenne. L’association est aujourd’hui fortement appréciée par les communautés bénéficiaires et reconnue par les autorités locales.

Article rédigé par Olivier Grobet et Elena Sartorius, tiré du journal Terre des Hommes Suisse n°118