Bientôt la fin de ce voyage de terrain. Nous venons de passer ces deux derniers jours à Cecucol. On y retourne comme à la maison. Nous sommes sur place avant 7h, l’heure d’arrivée des enfants au Centre. Certains attendent déjà devant la porte de fer que quelqu’un leur ouvre la porte cadenassée, croquant une galleta (biscuit) qu’ils viennent d’acheter à la tienda (échoppe) qui jouxte l’entrée. Durant 20 minutes environ, les enfants vont arriver seuls ou en petits groupes, accompagnés parfois de leur maman. La porte s’ouvre et se ferme… chaque fois à clé. Ils jouent à se poursuivre dans la cour, filent à la cuisine s’ils n’ont pas eu le temps ou de quoi déjeuner, discutent entre eux, leur cartilla (fourre cartonnée avec leurs devoirs) sous le bras.
Alonso, l’un des prof, réunit les enfants dans la cour. Plus ou moins en rang… quelques mouvements du matin puis les enfants montent à l’étage pour les cours qui vont durer jusque vers 12h30. Ils sont assis autour de petites tables. Certains participent activement, d’autres sont à moitié endormis sur la table, d’autres encore semblent un peu absents. Deux salles de classes. Du côté des grands (de 9 à 18 ans), cours de math sur les fractions. Alonso interpelle l’un ou l’autre. Pas de discipline, juste de l’énergie et des techniques renouvelées pour capter leur attention.
Dans la salle des petits (6 à 8 ans), un peu d’histoire, l’arrivée des espagnols, le métissage. Le prof, Duvan, a 24 ans. Il a grandit dans ce quartier et a bénéficié des activités de Cecucol à l’âge de 7 ans. Il s’est éloigné, mais est revenu à 16 ans, se formant petit à petit comme animateur. «Ces enfants, ce sont comme mes petits frères et sœurs. Je veux être à leurs côtés.»
Pendant ce temps, dans la salle commune du rez-de-chaussée, des mères du quartier viennent pour la olla communitaria (casserole communautaire) qui se tient deux fois par semaine. Une sorte de marché où elles échangent des produits ou achètent à bon prix des aliments achetés en gros par Cecucol. Une aide essentielle pour ces mères de famille. Mais c’est aussi un lieu de discussion sur des thèmes qui les touche, par exemple de santé, de cours divers (cuisine, préparation de pommade à base d’herbes médicinales, etc.), de connaissance de leurs droits. Nombre d’entre elles y ont appris comment semer et possèdent aujourd’hui, devant leur petite «maison» qui donne sur la rue, des bacs de toutes sortes avec du persil, du coriandre, des oignons voire des tomates.
A midi, les enfants rentrent pour la plupart manger à la maison, puis reviennent au Centre pour l’atelier de l’après-midi. Danse, échasses, musique, dessin, cuisine, discussions sur leurs droits, etc. La plupart d’entre eux ne rate aucun atelier!
«A Cecucol, nous essayons de créer des embryons de pouvoir dans la communauté. Cet espace est là pour construire des espérances. Nous disons qu’il faut trois choses pour qu’un enfant puisse grandir: tout d’abord l’espérance. Pour demain, mais déjà pour aujourd’hui. Ensuite la révolution. Une révolution armée de bonheur, de rires, de jeux, de droits. Les changements transforment et renforcent. Enfin la résistance. Malgré tout, malgré les conditions de vie et de mort dans lesquels ces enfants grandissent dans ce pays, nous refusons de nous taire, de nous fermer à l’autre, de nous agenouiller, nous cherchons à construire des chemins de paix» se positionne Bernarda, l’une des fondatrice de l’association.
Quelle intensité encore que ces deux derniers jours dans le centre de Cecucol, à suivre le quotidien des enfants, des jeunes et de l’équipe. Nous avons recueilli un maximum d’information pour communiquer sur le projet et pour préparer du matériel de sensibilisation à destination du jeune public suisse.
Nous leur disons aurevoir. Des enfants se jettent dans nos bras, s’accrochent, «Quand est-ce que je vais te revoir?» Pincement de cœur. Mais ils sont dans de bonnes mains!
Fin de visite de terrain. Nous espérons qu’avec ce carnet de route, non exhaustif, vous vous en doutez, vous avez pu découvrir autrement le travail de nos partenaires et percevoir des réalités de vie parfois inimaginables. Nous rentrons sur Bogota où nous attend encore quelques réunions et beaucoup de mise au propre de notes et de tri d’images. Ensuite ce sera vraiment le retour.
Nous partons chargées de toutes ces histoires de vie, de toutes ces stratégies d’actions communautaires, de tous ces sourires et ces rires et ces yeux curieux des centaines d’enfants et de jeunes que l’on a rencontré! Ils nous ont remercié pour notre présence et notre soutien. Merci à eux pour tout ce qu’ils nous ont amené.