Si la pandémie du covid-19 est au cœur des préoccupations en Amérique latine, les conflits sociopolitiques ne sont malheureusement pas pour autant confinés. Le 4 mai 2021, la coordination nationale de Colombie a déclenché une alerte internationale concernant la gestion des risques sécuritaires en Colombie à la suite des incidents graves survenus dans le cadre de la grève nationale colombienne. La population s’est vue réprimandée par la police alors qu’elle manifestait contre la réforme fiscale du président Ivan Duque. Un ensemble d’ONGs internationales réunies dans le cadre de l’Espace de Coopération pour la Paix dénonce cette situation et lance un appel à l’international. Terre des Hommes Suisse exprime sa solidarité envers le peuple colombien, et tout particulièrement envers les défenseur-euse-s des droits humains victimes de violence policière, et se joint pleinement aux revendications du communiqué de l’Espace de Coopération pour la Paix.
Les organisations de la société civile internationale demandent au Gouvernement colombien de garantir l’exercice pacifique du droit légitime à la réunion publique et à la protestation sociale consacrés dans la Constitution colombienne et de protéger la vie de ceux qui l’exercent.
Bogota, le 3 mai 2021
Des manifestations pacifiques de citoyens colombiens ont débuté le 28 avril 2021 dans différentes villes et municipalités du pays dans le cadre de la grève nationale. Le droit légitime de défendre les droits humains, ainsi que le droit de réunion publique et de protestation sociale sont consacrés par l’article 37 de la constitution colombienne.
En ce sens, l’usage excessif de la force par certains membres des Forces de Sécurité est inacceptable. Selon les chiffres publiés par la « Campagne de défense des libertés pour tous » dans son bulletin d’information n°4 entre le 28 et le 30 avril 2021, 105 personnes ont été blessées (dont 6 avec des blessures aux yeux et 4 avec des armes à feu), 4 personnes ont été tuées – apparemment 3 étaient des mineurs, plus de 150 détentions arbitraires dont plusieurs personnes de moins de 18 ans, plus de 232 agressions physiques, 9 raids à Cali et Bogotá, trois actes de violence sexuelle contre des femmes à Bogotá, Cali et Medellín, dont deux par des agents de l’ESMAD (police anti-émeute) et un par un médecin légiste. De même, des actes de torture ont été signalés, notamment des passages à tabac, des menaces, des chocs électriques. Il y a eu des actes d’entrave au droit à l’information et plusieurs personnes ont été portées disparues.
Nous sommes préoccupés par les dénonciations concernant l’intervention de l’armée colombienne dans les manifestations sociales, comme cela s’est produit dans la municipalité de Bello (Antioquia) et dans le département de Cali, où, selon les propos du ministre de la Défense, 300 soldats ont été envoyés, ainsi que par l’annonce faite par le président de la République de militariser les villes.
En tant qu’organisations de la société civile internationale, nous demandons à l’État colombien d’adopter de toute urgence des mesures visant à protéger la vie, l’intégrité personnelle, la liberté individuelle, le respect des procédures, la liberté d’expression, la liberté d’association, le droit de réunion, le droit de participation et les autres droits et principes fondamentaux reconnus dans la Convention américaine relative aux droits humains, qui sont gravement menacés par les événements décrits ci-dessus.
De plus, dans un pays où, selon l’office des statistiques colombiennes, 21 millions de personnes (42,5% de la population nationale) sont en dessous du seuil de pauvreté et font face à des difficultés quotidiennes d’accès à la nourriture qui créent les conditions d’une crise alimentaire, dans un contexte de crise sanitaire, l’État colombien devrait prendre des mesures pour protéger leurs droits.
En tant qu’organisations de la société civile internationale, nous demandons que :
- La communauté diplomatique et les Nations Unies demandent à l’État colombien de fournir des garanties suffisantes pour l’exercice du droit légitime à la protestation sociale. Nous demandons également à la communauté diplomatique et aux Nations Unies de demander à l’État colombien de fournir des garanties suffisantes pour l’exercice du droit légitime à la protestation sociale et de promouvoir le dialogue afin de prendre des mesures constructives pour surmonter la crise actuelle des droits humains dans le pays.
- Les forces de sécurité exercent leur rôle constitutionnel de fournir des conditions sécurisées afin que la majorité qui est mécontente et désespérée en raison de la pauvreté, de la maladie et du conflit, trouve des conditions pour manifester pacifiquement.
- Les partis politiques, les syndicats et les églises renforcent leurs actions pour demander au gouvernement de prendre des mesures en faveur de la dignité de la vie et s’abstiennent de faire des déclarations stigmatisantes.
- La minorité de personnes qui utilisent les actions violentes comme vecteur de protestation pour créer la confusion et délégitimer la protestation légitime cessent leurs actions, y compris celles menées à travers les réseaux sociaux. La violence engendre la violence. Cette leçon subie pendant tant d’années de conflit doit être apprise.
Nous demandons au Président de prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter le bain de sang que connaît la Colombie, et dans ce sens, d’ordonner l’arrêt immédiat des actions de répression armée de la protestation pacifique et de la militarisation des villes, qui ont coûté la vie à de nombreuses personnes, en particulier des jeunes en Colombie, et de générer des opportunités de consultation avec les citoyens mécontents en Colombie. Le retrait de la réforme fiscale et l’appel à se mettre d’accord sur une nouvelle proposition est un pas positif dans cette direction.
En tant qu’organisations de la société civile internationale, nous continuons à être alertes pour une Colombie en paix, et nous réitérons notre engagement en faveur d’une solution pacifique au conflit en Colombie.
Pour plus d’informations : cooppaz2016@gmail.com