La plateforme Suisse Colombie interpelle le gouvernement suisse pour faire cesser les assassinats systématiques des défenseurs des droits humains
La plateforme Suisse Colombie interpelle le gouvernement suisse pour faire cesser les assassinats systématiques des défenseurs des droits humains
Depuis 2013, Terre des Hommes Suisse prend part à la plateforme nationale Suisse-Colombie qui regroupe plus d’une vingtaine d’ONG. La mise en place des accords de paix est entre autres au cœur des préoccupations des membres de cette plateforme coordonnée par une ONG indépendante, Arbeitsgruppe Schweiz-Kolumbien (ASK).
Depuis l’élection d’Ivan Duque à la présidence en juin 2018, l’application de certains accords de paix sont remis en question, ce qui engendre de nombreuses craintes. Un appel sous forme de lettre ouverte vient d’être lancé le 20 juillet 2018 au Conseil fédéral pour intervenir auprès du gouvernement colombien afin de faire cesser les assassinats systématiques des défenseurs des droits humains. Il est signé de la plateforme, des organisations des résidents colombiens en territoire suisse, des associations suisses qui travaillent en faveur des droits humains en Colombie et d’autres personnes inquiètes pour la situation dans le pays.
La lettre est reproduite ci-dessous.
«En Colombie, la défense de la paix, de la démocratie, de l’environnement et des droits humains est réprimée et criminalisée et les dirigeants persécutés et tués. Selon INDEPAZ[1], entre le 1er janvier et le 5 juillet 2018, 123 défenseurs des droits humains, dirigeants sociaux, défenseurs du droit à l’environnement et membres d’organisations communautaires autochtones ont été assassinés. C’est ainsi le nombre inacceptable de 311[2] meurtres qui a été atteint depuis la signature de l’accord de paix de 2016. La situation est si grave que différentes organisations internationales, telles que l’ONU et le Haut-Commissariat aux Droits Humains, ont fait des déclarations appelant le gouvernement colombien à agir et à garantir la vie des dirigeants[3].
Dans son récent rapport annuel, le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Colombie (Genève, 21 Mars, 2018) a exprimé sa vive inquiétude face à cette situation. Le Haut-Commissaire souligne que: «apparemment, plusieurs personnes ont été tuées pour avoir soutenu la mise en œuvre de l’accord [de paix]; [telles que] la substitution des cultures illicites et la réforme rurale globale», mettant donc en évidence le paradoxe de la politique gouvernementale. En effet, les assassinats des dirigeants qui luttent en faveur de la paix détruisent un des piliers fondamentaux de la démocratie, condition nécessaire pour une mise en œuvre effective des accords de paix.
Tout pays démocratique qui se respecte doit d’abord assurer le droit à la vie de ses citoyens et donner des garanties suffisantes pour l’exercice de l’opposition, ce que le gouvernement colombien ne fait pas. La persécution, les crimes et les attaques sont dirigées contre les défenseur-e-s des droits humains et les militants politiques du Congrès des peuples (Congreso de los Pueblos), de la Marche patriotique (Marcha Patriotica), la Colombia Humana et les anciens combattants des FARC. Ils visent également, les militants écologistes, les femmes leaders, des membres de la population LGBTI, des peuples autochtones et afro-ethniques; c’est-à-dire qu’aucun secteur politique ou social qui s’oppose au gouvernement de la Colombie n’échappe à ces crimes systématiques.
Compte tenu du silence du gouvernement face au cri des citoyens colombiens, il ne nous reste que les pressions internationales. Les gouvernements démocratiques du monde ne peuvent pas être complices – par leur silence – du massacre qui se passe en Colombie et devraient demander au gouvernement colombien de prendre des mesures concrètes pour arrêter les meurtres et les menaces à l’encontre des dirigeants en Colombie.
En tant qu’État garant du processus de la paix et jouissant de relations privilégiées dans le domaine de la coopération économique et technique avec la Colombie, les organisations et les personnes signataires de cette lettre demandent au gouvernement suisse:
- d’intervenir d’urgence auprès des autorités colombiennes pour qu’elles:
– Garantissent en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits humains et mettent un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre, afin qu’ils puissent exercer leurs activités de défense des droits humains librement et sans entrave.
– Mènent sans délais des enquêtes exhaustives, indépendantes, effectives, rigoureuses, impartiales et transparentes sur les assassinats des défenseurs de droits humains afin d’identifier les responsables, y compris les commanditaires, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi. Il ne suffit pas de sanctionner ceux qui ont appuyé sur la détente et qui ont tué les dirigeants sociaux ; ceux qui ont ordonné ces meurtres doivent également répondre de leurs actes devant la justice.
– Invitent le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits humains des Nations unies, M. Michel Forts
- de subordonner la coopération économique et technique que le gouvernement suisse accorde à la Colombie, au respect des droits humains, de la vie des défenseurs et à la lutte contre l’impunit
- d’intervenir, en tant que membre, auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, afin qu’il mandate une enquête sur les cas d’assassinats et qu′il applique les mesures qu’il jugera nécessaire pour garantir la protection des défenseurs des droits humains et des dirigeants des mouvements sociaux.
- de demander au Conseil des droits de l’homme des Nations unies d’organiser une session spéciale pour traiter des violations des droits humains en Colombie.»