Au-delà des frontières invisibles de Cali

Paz y Bien, nouveau partenaire de Terre des Hommes Suisse à Cali, en Colombie, démontre un engagement sans limites en faveur de la protection des enfants contre la violence urbaine.

Paz y Bien, nouveau partenaire de Terre des Hommes Suisse à Cali, en Colombie, démontre un engagement sans limites en faveur de la protection des enfants contre la violence urbaine.

Cali, ville de tous les contrastes. D’u n côté, le centre-ville offre l’image de la capitale mondiale de la salsa, qui jouit d’une forte prospérité économique grâce à l’organisation de grands événements culturels mondiaux dans des hôtels de vingt étages. De l’autre, des quartiers périphériques sont les chefs de bandes armées qui contrôlent les rues comme des seigneurs leurs territoires. C’est dans le quartier «rouge» de Portrero Grande que nous retrouvons l’équipe de Paz y Bien, organisation créée il y a 27 ans par la sœur Alba Stella Barreto qui croit au potentiel des jeunes de ces rues.

À première vue, l’endroit semble un quartier d’habitations certes plutôt modeste mais calme. Pourtant certains détails ne trompent pas: des regards en coin vers les jeunes chevauchant de belles et grosses motos, les femmes vérifiant l’heure pour s’assurer de ne pas rentrer trop tard à la maison… Car la nuit venue, des frontières invisibles apparaissent, interdisant aux habitants l’accès à certaines rues alors réservées aux traffics en tout genre. Notre présence au-delà d’une certaine heure n’est d’ailleurs pas prudente, et trouver seulement un taxi acceptant de s’y rendre relève du défi!

Mais au milieu de ce cliché d’une Colombie en proie à la violence urbaine et aux activités illicites, existe pourtant la détermination de parents qui croient qu’un avenir meilleur pour leurs enfants est possible. Et ce pari, ils sont en train de le gagner!

Créer des perspectives d’avenir

La majorité des gens du quartier vivent de l’économie informelle, et les parents sont souvent peu présents ou ont bien du mal à se faire respecter de leurs grands adolescents habitués à recevoir des propositions «d’argent facile» de la part des bandes criminelles. Beaucoup arrêtent l’école rapidement pour se consacrer à ces activités illégales. Paz y Bien a créé des maisons de quartier destinées à prévenir l’enrôlement de ces jeunes dans le cercle infernal du traffic, cause d’une violence subie et infligée, très vite mortelle, en offrant des perspectives d’avenir et de réinsertion. Les témoignages enthousiastes de plusieurs adolescents, illustrés sous forme de «plans de vie» décorant les murs, démontrent l’espoir retrouvé. Cuisinier, mécanicien, garagiste, docteur, les projets sont désormais ambitieux et l’équipe de Paz y Bien assure un accompagnement personnalisé pour chacun, afin de lui donner les clés de la réussite.

Souvent il faut tout réapprendre ou presque: le respect, dire bonjour, dire merci. Le concept de faire des économies pour investir par la suite est également nouveau: au pays de l’argent sale facilement gagné et vite dépensé, l’épargne de ces jeunes constitue déjà en soi une avancée. Comme les relations familiales sont en général difficiles, les parents sont intégrés aux activités, l’idée étant d’assurer que toute la famille mette ses forces en commun pour construire le futur.

(Encadré)
Paz y Bien possède onze maisons de quartier, dont deux sont soutenues par Terre des Hommes Suisse. Elles offrent un espace d’accueil et de rencontre à plus de 100 enfants et jeunes âgés de 7 à 25 ans. Un «plan de vie» personnalisé, basé sur un diagnostic de chaque situation, permet aux enfants de retrouver un équilibre (sur le plan psychologique, médical, scolaire, etc.), de restaurer les liens familiaux, mais aussi de se projeter dans un autre avenir.

(Quelques témoignages)
«La Casa Francisco Esperanza m’a permis d’être plus autonome et plus clair quant à mon projet de vie. J’y vais pour suivre les différentes activités et les formations, et je sais que je peux compter sur la disponibilité des tuteurs. Ils ont aussi permis une meilleure communication avec ma mère.» Luis Fernando, 15 ans.
« Avant, j’étais une fille très capricieuse, rebelle et grossière. Je n’avais aucune tolérance envers mon entourage, il ne pouvait rien me dire sinon je devenais agressive. Je résolvais tout avec des coups. Depuis que je suis à la Casa Francisco Esperanza, ma vie a petit à petit changé. Ma manière d’être, ma façon de résoudre les problèmes. Merci aux animatrices.» Yuri Viviana, 18 ans, vit dans un quartier populaire avec sa mère, sa grand-mère et son frère. Elle rêve d’être agronome.
«J’habitais à la campagne avec mon père, mais pour des questions de sécurité, on m’a forcé à venir en ville pour vivre avec ma mère et mon beau-père. Au début, c’était dur, je ne pouvais pas faire grand-chose. Grâce à Paz y Bien, j’ai eu un endroit pour apprendre, pour discuter, pour connaître les différents risques. Et puis réfléchir à ce que je veux dans ma vie.» Oscar, 17 ans.

Article rédigé par Séverine Ramis, tiré du journal Terre des Hommes Suisse n°117, mars 2015