Dernière visite de terrain auprès de l’association RDA qui intervient auprès de 9 villages dans l’Etat du Jarkhand, à 200 km à l’est de Kolkata. Près de 600 familles d’origine tribale ont vu leur vie changer grâce à l’introduction de nouvelles techniques agricoles; la création de groupes de femmes et d’activités génératrices de revenu; la mise en place de clubs d’enfants qui permettent l’affirmation de leurs droits.
33 Self Help Groups réunissent chaque semaine une vingtaine de femmes chacun. Au sein d’un même village, plusieurs groupes existent, souvent formés selon l’âge des femmes. On y discute de techniques agricoles, problèmes personnels (mariages des filles, violence domestique) ou collectifs (construction de structures de rétention d’eau, implication dans le comité du village), actions à mettre en place. Le petit pécule économisé chaque semaine par chaque femme permet ensuite d’accorder des prêts aux membres pour les besoins de la famille. Tout est consigné dans le carnet d’épargne de chacune (cf photo). Le groupe a aussi ouvert un compte bancaire, ce qui représente une réelle avancée pour ces femmes qui osent maintenant sortir du village et signer des documents officiels.
En concertation avec chaque groupe de femmes, RDA apporte un appui concret afin d’améliorer les conditions de vie des familles. Cela passe par la création d’une activité économique pour chacune des femmes, qu’elles aient des terres cultivables ou non. Si la famille possède des terres pour la culture du riz, la mère de famille sera formée à la technique du SRI qui permet d’accroitre la production tout en limitant les intrants (cf article précédent) et à la création de compost organique. Si la famille possède des terres mais non adéquates pour le riz, elle sera aidée pour planter des arbres (acacias, eucalyptus ou teck qui après 8-10 ans seront coupés pour en vendre le bois) ou cultiver un jardin potager.
Outre quelques légumes pour les besoins de sa famille, Pouchali cultive ainsi une petite parcelle de piments, qui lui permet de vendre près de 100 kg de cette épice très prisée en Inde chaque semaine et pendant 6 mois! Enfin, les familles ne disposant pas de terres pourront s’engager dans l’élevage de chèvres – une fois adulte, une chèvre femelle sera revendue pour la reproduction entre 2 et 4000 Rs et un mâle 7000 Rs pour sa viande. Les résultats sont immédiats: les revenus générés permettent de faire manger correctement toute la famille toute l’année, les enfants sont davantage soutenus dans leur parcours scolaire, les femmes se sentent davantage autonomes et participent aux décisions familiales.
Là aussi, des clubs d’enfants ont vu le jour afin de renforcer la participation des jeunes dans la vie de la communauté. Au total, près de 300 enfants de 6 à 15 ans se retrouvent 3 fois par semaine dans leur village, par groupes de 40 environ. Ils y viennent pour faire des dessins, parler de leurs problèmes, en savoir plus sur les droits de l’enfant, réfléchir à des actions en faveur de l’environnement – ils ont ainsi par exemple planté plusieurs arbres un peu partout dans le village (cf plan du village) et nettoyé les alentours, tout en sensibilisant leurs parents sur les effets néfastes des sacs en plastique. Mais ils y viennent aussi pour jouer! Cette activité qui semble si simple sous nos latitudes est en fait extraordinaire nous explique-t-on dans ce pays où le droit de jouer n’est pas inscrit dans la loi. Par manque d’espace et/ou de matériel, les enfants ont en effet peu d’occasion de jouer à l’école ou chez eux. Beaucoup de parents considèrent que jouer se fait au détriment des études ou du travail à la maison. Cette enseignante fait même le lien avec les résultats médiocres de son pays aux derniers Jeux olympiques de Rio: seulement 3 médailles pour un pays qui compte 1.3 milliard d’habitants !! Ce résultat a été largement commenté dans tout le pays… Rendez-vous aux prochains JO pour voir si les sportifs seront davantage soutenus, signe que le loisir et le sport prennent davantage de place pour tous 😉
Et voilà, de retour à Kolkata pour reprendre un vol pour Genève: nous repartons de ce beau pays aux milliers de couleurs, senteurs (et divinités!) avec le sentiment d’un pays en mouvement, rempli d’une énergie créatrice incroyable. Même si les inégalités restent criantes, les femmes et les enfants rencontrés nous ont tous fait part de leur satisfaction d’avoir vu leur vie s’améliorer pour eux mêmes et leurs enfants et sont remplis d’espoir que ces changements soient durables. Leur vie est entre leurs mains et grâce à la confiance acquise, ils se donnent les moyens d’aller au bout de leurs rêves.