En Inde, malgré les progrès significatifs dans le domaine de l’éducation, les disparités de genre persistent, particulièrement dans les zones rurales où les filles font face à d’importants obstacles pour accéder à une éducation de qualité. Le témoignage de Jesmin Khatun, membre du Conseil de la jeunesse indienne, illustre parfaitement cette réalité et montre comment le soutien approprié peut transformer des vies.
Un contexte de profondes inégalités
L’Inde, pays de plus de 1,4 milliard d’habitants et d’une immense diversité culturelle et linguistique, fait face à des défis considérables en matière d’inégalité. Malgré la mise en place du droit à l’éducation, qui établit l’éducation comme un droit fondamental pour les enfants de 6 à 14 ans, les disparités socio-économiques et les barrières liées au genre continuent d’entraver l’accès à l’éducation pour de nombreux enfants, particulièrement ceux issus de communautés marginalisées.
Selon les données officielles, dans les villages comme celui de Jesmin, la discrimination entre filles et garçons reste une réalité quotidienne. Les familles aux ressources limitées privilégient souvent l’éducation des garçons, tandis que les filles sont rapidement mariées après quelques années d’études seulement.
Le parcours de Jesmin : surmonter les barrières traditionnelles
« La discrimination entre les garçons et les filles, et le fait que seuls les garçons aient la possibilité d’étudier, sont encore courants dans nos villages, » témoigne Jesmin. Issue d’une famille confrontée à des difficultés financières, elle a vu son propre frère abandonner l’école pour travailler. « Étant donné que mon père n’avait pas les moyens d’éduquer son fils, j’ai vu ma propre éducation devenir un rêve lointain. »
Dans sa communauté, comme dans de nombreuses régions rurales d’Inde, le destin des filles semblait tracé d’avance :
Tout a changé lorsque Jesmin a rejoint un centre dirigé par SMOKUS, partenaire de Terre des Hommes Suisse. « J’ai été initiée à nos droits – en particulier le droit des filles à poursuivre leurs rêves et leurs objectifs, » explique-t-elle. Cette prise de conscience a été déterminante : « Pourquoi devrais-je dépendre de quelqu’un d’autre concernant mon propre avenir ? »
Le rôle crucial des centres de soutien éducatif
Le programme de Terre des Hommes Suisse en Inde a mis en place des Centres de Soutien Éducatif (SECs) qui jouent un rôle essentiel dans l’accès à l’éducation pour les enfants marginalisés. En 2024, ces centres ont soutenu 6.343 enfants vulnérables, dont plus de 60% de filles, à travers 39 centres répartis dans 60 villages et 17 bidonvilles.
Pour Jesmin, comme pour de nombreux autres enfants, ces centres représentent bien plus qu’une simple opportunité éducative.
Jesmin Khatun
Enfants participant aux programmes éducatifs soutenus par Terre des Hommes Suisse en Inde.
Les résultats sont tangibles : dans ces centres, 96% des élèves préparant l’examen de fin d’études secondaires réussissent, un taux remarquablement élevé compte tenu des défis socio-économiques.
Briser le cycle des mariages précoces
En Inde, le mariage des enfants reste une problématique majeure. Les jeunes filles comme Jesmin font face à une pression considérable pour abandonner leurs études au profit d’un mariage arrangé. Le soutien offert par les programmes de protection de l’enfance joue un rôle crucial pour contrer cette pratique.

Les témoignages similaires à celui de Jesmin illustrent l’impact de ces interventions. Par exemple, Sufiya Khatun, 16 ans, originaire du village de Koiladangi au Bengale occidental, a pu éviter un mariage précoce arrangé par ses parents grâce à l’intervention d’un jeune activiste membre d’un programme soutenu par SMOKUS, qui a alerté la ligne d’aide à l’enfance.
De l'école à l'université : un modèle pour sa communauté
Le parcours de Jesmin a atteint un tournant décisif lorsqu’elle a terminé ses études secondaires avec d’excellents résultats et a été admise à l’Université de Raiganj avec une spécialisation en anglais. « Je suis devenue la première fille de mon village et des environs à aller à l’université, » déclare-t-elle avec fierté.
Ce succès a transformé la perception de sa famille et de sa communauté. « Mes parents ont réalisé, peut-être pour la première fois, que les filles aussi pouvaient briller à l’école lorsqu’on leur en donne les moyens, » partage-t-elle. « Maintenant, je suis capable de partager en toute confiance mes points de vue devant les autres. Mes parents comprennent que les filles peuvent réaliser leurs rêves de manière indépendante, et toute ma communauté est devenue plus consciente et plus solidaire. »

En tant que membre active du Conseil de la jeunesse indienne, Jesmin partage désormais son expérience avec d’autres jeunes et inspire le changement dans sa communauté : « Le changement positif dans ma vie a inspiré d’autres enfants à rejoindre les centres SMOKUS. »
Un impact durable pour l'avenir
Le parcours de Jesmin illustre l’approche holistique développée par Terre des Hommes Suisse en Inde, qui combine l’accès à l’éducation, l’autonomisation des jeunes et la protection contre les pratiques néfastes. En 2024, cette approche a permis de toucher plus de 54.328 bénéficiaires directs à travers le pays.
Jesmin Khatun
Son histoire montre comment l’accès à l’éducation et l’autonomisation des filles peuvent briser le cycle de la discrimination et ouvrir la voie à un avenir plus équitable en Inde, où chaque enfant, indépendamment de son genre ou de son origine, peut poursuivre ses rêves et contribuer positivement à sa communauté.