«El agua no se vende, se cuide y se defiende» (l’eau ne se vend pas, on s’en occupe et on la défend), «El agua es nuestra, no de la mineria» (l’eau nous appartient, pas aux entreprises minières). C’est sous ces slogans scandés par des dizaines d’enfants et de jeunes du quartier populaire de Los Chorros, au sud de Cali, que s’est déroulé aujourd’hui le Carnaval de l’eau. Un événement organisé par Cecucol ((Fundación centro cultural comunitario Las Colinas), l’association partenaire de Terre des Hommes Suisse, qui est active depuis une trentaine d’années dans le quartier. Un quartier composé notamment de familles déplacées par le conflit armé. Si certaines sont là depuis 10 ou 15 ans, d’autres continuent d’arriver et de s’installer dans des maisons de fortune sur les pentes des collines qui dominent la ville.
La «Marche de l’eau» se déroule sous un soleil de plomb. Les enfants déguisés et les accompagnants démarrent du centre de l’association pour traverser des rues du quartier et sensibiliser la population, mais surtout dénoncer la privatisation de l’eau. «Pour construire des chemins de paix dans le contexte de violences que nous connaissons souligne Bernarda, fondatrice de Cecucol, nous devons construire nos rêves dans chaque espace de notre quotidien. L’accès à l’eau est un droit fondamental de l’être humain. Nous sommes « un rio de lucha » (une rivière de lutte) pour des conditions de vie dignes.»
Le thème de l’eau est simplement crucial. Cette année la période de sécheresse qui vient de prendre fin a duré plus que de coutume. Durant près de 6 mois, les coupes voire l’absence d’eau ont obligé les familles a se déplacer sur des kilomètres pour aller chercher l’eau et la rapporter à la maison. Les camions qui venaient deux fois par semaine ne suffisaient pas pour la population et l’accès à l’eau générait des conflits…
Hier matin un taxi nous amenait devant un portail en fer peint en orange : l’entrée du centre de Cecucol. On nous ouvre la porte toujours cadenassée… et nous voilà dans un autre monde. Nous laissons derrière nous les ruelles polluées et bruyantes, la poussière et les déchets. Sur les murs peints de couleurs vives sont suspendues des bouteilles en pet contenant des plantes de toutes sortes: fleurs, herbes aromatiques, herbes médicinales. Nous arrivons sur une cour construite en rond. «Cet espace d’ouverture est prévu pour la rencontre, l’échange, le partage.» Des fresques murales réalisées avec les enfants et les jeunes recouvrent une partie des murs.
Cecucol accueille en quotidiennement une centaine d’enfants et des jeunes de familles en situation d’extrême pauvreté, et leur propose du soutien scolaire et des ateliers récréatifs ; il organise aussi des ateliers pour les mères, la promotion de jardins urbains, de jardins communautaires et d’échange de semences, il favorise la récupération et lutte contre les déchets, etc. Mais chaque activité qui est menée, qu’elle soit pédagogique, productive ou ludique, est chargée de sens. «Les enfants peuvent s’intéresser à tout, cela dépend de la façon d’apprendre. Il faut changer les relations, se poser la question du pourquoi on fait les choses» souligne Alonso, l’un des membre de l’équipe. Une équipe de personnes engagées composée d’anciens bénéficiaires du projets, de jeunes universitaires et de professionnels de l’éducation populaire.
«Cecucol, c’est une deuxième maison» nous dirons presque systématiquement les mères et les pères que nous rencontrons. Un espace de vie qui donne l’opportunité à des enfants et des jeunes, mais aussi à leurs parents, de sortir de leur quotidien et de se ressourcer. Egalement un lieu d’acquisition de connaissances et de soutien pour transformer leurs conditions de vie.