Formation à l’énergie photovoltaïque en Haïti

En mars 2013, l’organisation Humanitel a offert ses services pour compléter la formation en électricité que Terre des Hommes Suisse soutient à Port-au-Prince. Durant dix jours, Max Schneider, technicien en énergie, a pu transmettre des connaissances sur la production d’électricité voltaïque pour des systèmes autonomes à vingt-cinq enseignants et apprenants de cette filière.

À Port-au-Prince, Terre des Hommes Suisse, avec son partenaire haïtien l’Ecole nationale des arts et métiers (Enam), propose une formation en électricité, en carrelage ainsi qu’en hôtellerie et restauration pour des jeunes filles – et quelques jeunes gens – particulièrement vulnérables, provenant de milieux défavorisés et souvent touchés par le séisme de 2010. Des formations soutenues par la Chaîne du Bonheur.

Max Schneider, technicien en énergie, a vécu sur le site de l’Enam avec les Salésiens durant dix jours, en mars 2013. Il est président d’Humanitel, une association qui a pour but de «développer les échanges dans le domaine des télécommunications, des énergies renouvelables et autres technologies appropriées respectueuses de l’environnement, au service des communautés les plus démunies».
L’association Humanitel existe depuis 15 ans. Suite au décès d’un jeune collaborateur, un fonds a été attribué à Haïti… «Un fonds qui a fructifié, qui a été complété. La collaboration avec Terre des Hommes Suisse tombait à point ! D’autant que nos philosophies concordent. Notre objectif était de former plutôt que d’installer.»

Comment s’est déroulée cette formation?
C’était une formation intense. Chaque jour, on se voyait de 8 à 12h et de 13h30 à 16h, avec encore des travaux à réaliser le soir… J’étais impressionné, tous ont suivi avec enthousiasme et désir d’apprendre. J’ai dû revoir mon cours pour rendre les aspects techniques plus accessibles, et j’ai surtout cherché à promouvoir les échanges, la dynamique interactive, la formation participative.

Avez-vous eu l’occasion de faire des exercices pratiques?
Nous avons pu aller visiter un autre partenaire de Terre des Hommes Suisse, le Cad à Ganthier, qui accueille de façon transitoire des enfants et jeunes de la rue, enfants domestiques ou sinistrés suite au séisme de 2010. Par petit groupe, nous avons analysé toutes les installations électriques, depuis la bouilloire aux lampes au frigo, réfléchi aux façons d’éviter le gaspillage des appareils électriques, puis imaginé une installation solaire. Nous avons fait de nombreuses autres installations pilotes. Ils ont intégré les connaissances théoriques du cours et aujourd’hui sont capables de les mettre en pratique! Une réussite!

Comment les Haïtiens perçoivent-ils l’énergie solaire ?
Les Haïtiens ont souvent entendu parler d’énergie solaire. Des institutions internationales ont par exemple financé des réverbères qui longent toutes les grandes avenues de Port-au-Prince… les gens voient que ça marche, mais ne connaissent rien au fonctionnement précis de ces techniques.
Malheureusement, certains de ces lampadaires sont déjà au sol… on m’a appris toutes les techniques de vol des installations solaires des lampadaires…! Cette réticence que les gens ont d’installer des panneaux solaires vient de la peur des vols! Ils ne sont pas volés pour un usage propre, mais pour être revendus. Peut-on le reprocher… dans une situation de survie, les bénéfices d’un vol servent à acheter de la nourriture ou satisfaire d’autres besoins essentiels.

Vos impressions d’Haïti aujourd’hui?
J’ai vécu longtemps dans le tiers-monde, et ce qui m’a vraiment choqué, ce n’est pas tant la pauvreté, ni même la misère. C’est cette désorganisation dans la reconstruction et cette spirale infinie des gens qui ont tout perdu, vécu sous tente pendant des mois dépendant de l’aide internationale, puis le gouvernement les a placé dans des maisons préfabriquées de 4×5 mètres, collées les unes aux autres sans espace pour souffler, en leur offrant un an de loyer… mais après un an, sans moyens de subvenir à leurs besoins, les gens n’ont pas de quoi payer ce loyer… alors ils sont délogés et repartent sous tente… ou alors s’installent sommairement sur les coteaux au nord de la ville, avec un petit espace de jardin dans lequel ils font pousser banane plantain ou autres légumes, et qui risque de s’effondrer aux prochaines pluies. Un vrai malaise structurel!
Un autre choc, c’est la vision des 4×4 des coopérants des institutions officielles… a-t-on vraiment besoin d’un véhicule dernier cri pour visiter les bénéficiaires des projets? Trop d’argent est parti en Haïti…
L’environnement enfin qui est fortement dégradé. Que dire des rivières qui traversent la ville.. de vrais dépotoirs envahies par les plastiques et les déchets! Ce serait là une vraie opportunité de création d’emploi. Quand l’environnement est à ce point atteint, on a vite fait de passer de la pauvreté à la misère!

Propos recueillis par Souad von Allmen, avril 2013