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Inde : retirer durablement les enfants du travail, par l’école, la protection et la voix des jeunes

En Inde, Terre des Hommes Suisse, avec son partenaire local « Center for Integrated Development » (CID), mènent une action conjointe fondée sur trois piliers : éducation, protection, participation pour prévenir et réduire le travail des enfants. Une approche qui s’appuie sur un ancrage communautaire, une coopération avec les écoles publiques et un dialogue suivi avec les autorités.

En Inde, plus de 10 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans exercent une activité économique. Le phénomène demeure concentré dans plusieurs États, dont le Madhya Pradesh où agit notre partenaire. Depuis 2021, diverses mesures publiques ont été intégrées aux programmes, avec des effets toutefois inégaux selon les territoires. Dans ce cadre, Gwalior – ville aux zones urbaines denses et aux franges rurales – bénéficie d’une approche intégrée portée par TdH Suisse et CID, centrée sur les réalités des quartiers et des familles.

TdH Suisse et son partenaire ont choisi de concentrer leur action à Gwalior en raison d’une combinaison de facteurs de risque : faibles revenus, décrochage scolaire précoce, travail informel des enfants dans des ateliers ou services, et accès inégal aux dispositifs publics. Partenaire de longue date de TdH Suisse, CID opère au plus près des communautés. Il articule un dispositif complet qui combine l’accompagnement des enfants déscolarisé vers la réintégration scolaire, l’amélioration de l’accès et de la qualité de l’éducation, le soutien aux familles, ainsi que des actions de sensibilisation sur les droits de l’enfant, les risques liés au travail précoce ou au mariage forcé. Le programme forme aussi les enfants à devenir des actrices et acteurs de changement dans leurs communautés. L’objectif : agir à la fois sur les causes structurelles et les conséquences immédiates du travail des enfants.

Éducation : apprendre, rattraper, réussir

Les 12 centres de soutien éducatif du CID identifient les enfants déscolarisés ou à risque de décrochage, et leur proposent des cours de rattrapage adaptés, un suivi individualisé, ainsi qu’une coordination étroite avec les écoles publiques pour faciliter leur (ré)intégration scolaire. Entre 2021 et 2024, 771 enfants y ont été accompagnés et 336 enfants à risque ont été (ré)intégrés dans l’enseignement public. Parmi les élèves suivis, 80 % ont réussi leurs examens de fin d’année.

Au-delà des résultats scolaires, le travail porte sur l’assiduité, l’estime de soi, et la connaissance des droits de l’enfant. Les équipes de CID collaborent avec les parents et les enseignants pour identifier les obstacles qui entravent la scolarisation – comme les frais indirects liés au transport, aux uniformes ou au matériel. Grâce à l’appui global fourni aux familles, celles-ci sont progressivement en mesure de couvrir ces coûts et d’éviter que leurs enfants ne soient contraints de travailler.

Protection et moyens de subsistance : sécuriser les familles

Sortir durablement un enfant d’une situation de travail et d’exploitation suppose d’agir avec sa famille. Le programme a appuyé 290 familles par des micro-activités génératrices de revenus, l’accès aux droits sociaux et des liens renforcés avec les services publics. Sur la même période, plus de 700 enfants ont été retirés de situations de travail et orientés vers l’école. Parallèlement, ce sont aussi 1 066 enfants victimes ou à risques de violences (violence physique ou psychologique, mariages précoces, exploitation, etc.) ou décrochage scolaire qui ont été signalés et pris en charge.

Les équipes de CID utilisent un suivi structuré des cas : repérage, évaluation des risques, plan d’appui familial, coordination avec l’école et orientation vers les services compétents. La combinaison d’un soutien économique de base et d’un accompagnement psycho-social contribue à réduire la pression financière des familles qui conduit au travail précoce, tout en renforçant la protection de l’enfant dans la durée.

Participation : faire entendre la voix des enfants

La participation des enfants et des jeunes est un puissant levier de changement. À Gwalior, des conseils d’enfants et des groupes de jeunes sont chargés d’identifier les problèmes du quotidien et dialoguent avec les autorités. Ils ont porté 83 initiatives locales et déposé 140 demandes auprès des autorités officielles : cas d’inscriptions scolaires retardées, enfants nés sans certificats de naissance ou encore sécurité routière aux abords des écoles. Ces instances renforcent la confiance et l’expression des enfants, tout en améliorant la redevabilité des institutions. Elles contribuent aussi à développer des compétences civiques utiles à long terme.

Tout ce dispositif s’inscrit dans un écosystème local : écoles publiques, comités villageois, services sociaux et municipaux. Les conseils d’enfants et les groupes de jeunes sont reconnus comme des espaces d’expression et les demandes formalisées sont suivies lors de réunions périodiques. Cette coordination permet des réponses pragmatiques comme la prise en charge de la régularisation de documents, l’améliorations d’infrastructures et la sécurité autour des écoles, ainsi qu’une meilleure circulation de l’information entre familles, écoles et services publics.

La réussite de cette approche repose sur une collecte régulière de données au sein de cet écosystème et sur des échanges avec les communautés. Les retours de terrain aident à ajuster les contenus de rattrapage et les modalités d’appui familial.

Défis et perspectives

Des défis subsistent : migration saisonnière des familles, rotation du personnel scolaire, coût indirect de la scolarité, besoins spécifiques de certains enfants. La consolidation de ces résultats passe donc par la stabilité des centres, l’articulation avec les programmes publics et la poursuite du travail avec les familles. L’élargissement des conseils de jeunes et le renforcement de la coordination avec les autorités locales devraient améliorer encore l’accès aux services et la prévention des risques, tout en ancrant les avancées dans la durée.

Témoignage de Khusboo (16 ans)

« Mon père est ouvrier et gagne à peine 5 francs par jour pour nourrir huit enfants. Alors, à 11 ans, j’ai commencé à travailler dans un atelier de broderie pour l’aider. Je faisais 7 à 8 heures par jour pour à peine l’équivalent de 0.20 CHF. Et si je faisais une erreur, on me criait dessus. »

En 2023, Khusboo découvre un centre de soutien scolaire de CID. Elle rejoint aussi un conseil de jeunes, où elle découvre ses droits et l’importance d’un environnement sûr.

Sa mère suit des séances d’information, tandis que CID appuie financièrement la famille dans la mise en place d’une activité génératrice de revenus. Ce soutien permet de doubler son revenu journalier, améliorant la sécurité alimentaire du foyer et levant la nécessité pour les enfants de travailler pour contribuer aux dépenses familiales.

 

À Gwalior, la combinaison des trois piliers – éducation, protection, participation – montre qu’il est possible de prévenir le travail des enfants et d’ancrer des solutions durables. La poursuite de ces efforts, aux côtés des communautés et des autorités, demeure essentielle pour garantir à chaque enfant son droit à l’éducation et à la protection.

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