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L’école: une nouveauté pour les Yanomami

Les seules voies d’accès de la zone sont les cours d’eau, ce qui rend problématique le déplacement et le transport de personnes et de matériel, a fortiori en saison des basses eaux.

@Secoya 

La plupart des communautés Yanomami restent très isolées et quasiment ignorés des pouvoirs publics. Certaines tendent à se rapprocher des rares postes de santé existants et à se sédentariser, avec le résultat paradoxal de souffrir de problèmes de santé supplémentaires: malaria résistante, grippe, rougeole, dénutrition, problèmes dentaires, alcoolisme, etc. Très peu de Yanomami maîtrisent la langue brésilienne et Secoya, notre partenaire, est l’une des rares organisations actives sur ce terrain et acceptée par eux.

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Concrètement, Secoya travaille en éducation avec onze xapono situés le long des rios Marauia et Demini, affluents du rio Negro, ce qui touche une population de près de 2’000 Yanomami du sous-groupe Xamatari. Secoya organise une fois par an une formation intensive de professeurs, à laquelle des enseignants invités de l’extérieur participent pour compléter le cursus (mathématique, lecture, écriture) et développer des connaissances permettant une meilleur compréhension du fonctionnement de la société brésilienne et des mécanismes de renforcement de leur participation citoyenne. D’autre part, une partie importante des cours couvre les besoins pédagogiques des professeurs, «le travail de recherche», des questions sociales comme «la reconnaissance du professeur». D’autres connaissances telles que la santé, les défis environnementaux, les droits des indiens sont également abordés.

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Le cursus a commencé en 2001, sur la base de recherches d’un linguiste français qui a proposé les premiers documents bilingues écrits en xamatari-portugais. Pour atteindre le niveau qui permettrait une reconnaissance étatique, la formation s’est programmée sur 12 années, à raison de 4 à 5 semaines intensives par année. Le reste du temps, les professeurs mettent en pratique leurs connaissances dans leur xapono. Une des trois professeures brésiliennes engagées par Secoya demeure un mois par trimestre dans le xapono, pour les appuyer dans leur pratique et poursuivre la formation des enseignants et des élèves les plus avancés.
«Même lorsque je suis dans mon rôle d’enseignante, souligne Tamara, je suis aussi élève. Un apprentissage constant, une école de vie.» Et Luana, autre enseignante napë, d’ajouter: «Je suis pédagogue, mais je ne pensais jamais apprendre autant. Au début, je voulais aller travailler avec les peuples indigènes et être près de la nature. Mais ils n’ont pas une approche romantique de la nature comme nous…».

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Aujourd’hui, il existe 9 écoles et 24 professeurs en formation. Ils sont âgés de 18 à une quarantaine d’années. Certains professeurs ont suivi le cours depuis le début et parlent bien le portugais, d’autres ont démarré plus récemment et ne maîtrisent pas du tout la langue du blanc. L’année prochaine, certains professeurs seront certifiés et devraient être reconnus par l’Etat, mais là encore ce n’est pas gagné d’avance!
L’école… une notion totalement inconnue jusqu’alors dans le monde Yanomami! Les enfants sont élevés par l’ensemble de la communauté, par les parents mais aussi les grands frères et sœurs, les chamans. Ils apprennent en imitant les parents, en pratiquant les activités quotidiennes avec eux.

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Dans chaque xapono a donc été construite une case dédiée à l’école, en dehors de la maloca traditionnelle en cercle. Les élèves sont a priori les enfants du xapono dès 8-9 ans, mais participent aussi des jeunes de tous âges et les adultes intéressés. L’école n’est pas obligatoire, elle est donnée au minimum 2h par jour avec 3 tournus selon les niveaux d’apprentissage. La professeur napë (non indigène) donne les cours pour les plus avancés, cours auxquels participent également les leaders politiques, agents de santé et professeurs Yanomami. De nombreuses activités se déroulent hors de la case, en fonction de la créativité du professeur qui ne bénéficie pas de matériel pédagogique et doit donc tout créer et inventer. Le xamatari n’a pas les mêmes sons, nombre de mots et de concepts n’existent pas… Les Yanomami n’ont évidemment pas non plus notre calendrier, et la notion du temps est totalement différente. L’école est donnée 4 jours d’affilée suivie d’un jour de repos, puis on recommence. Le programme scolaire respecte aussi les périodes de délocalisation et d’événements culturels.