La situation des enfants employés dans la domesticité est reconnue comme étant l’une des formes modernes d’esclavage. Des actions concrètes enrayent un phénomène qui touche des centaines de milliers d’enfants.
Si la situation des enfants employés dans la domesticité est reconnue comme étant l’une des formes modernes d’esclavage, les actions concrètes peinent à enrayer un phénomène qui touche des centaines de milliers d’enfants. Un enjeu d’avenir!
Kensia* a 11 ans. Il y a deux ans, sa famille l’a envoyée chez une lointaine parente habitant la capitale, Port-au-Prince, en espérant qu’elle pourrait y manger à sa faim et, enfin, suivre sa scolarité. Une sombre réalité l’a rattrapée. Levée aux aurores, elle a en charge toutes les tâches ménagères et la surveillance des plus petits de la famille. Elle n’a pas été inscrite à l’école primaire malgré l’obligation légale. Depuis quelques mois, elle a été repérée par l’équipe du Foyer Maurice Sixto (FMS) – projet soutenu par Terre des Hommes Suisse avec le soutien de la Fondation Air France – et sa patronne la laisse venir au foyer en fin de journée. Un lieu d’accueil chaleureux où, malgré sa fatigue, elle suit une scolarité régulière, et où elle peut s’exprimer et se détendre.
Plus de 200 000 enfants concernés
Lorsque l’on parle de protection des enfants en Haïti, difficile de ne pas évoquer les nombreux cas d’enfants employés comme domestiques, le phénomène étant surtout connu sous le nom de « restaveks » (du créole «reste avec»). Cette situation est cataloguée comme «forme moderne d’esclavage», «pire forme de travail des enfants» ou «exploitation par le travail» par les organisations internationales et les ONG. En 2017, le Comité des droits de l’homme a recommandé une nouvelle fois à l’État haïtien de redoubler d’efforts pour l’élimination progressive du phénomène des restaveks. Le problème est connu et de nombreuses initiatives pour l’enrayer existent, mais le nombre d’enfants concernés demeure important: plus de 200 000, selon le ministère des Affaires sociales et du Travail en Haïti.
La pauvreté rurale, la centralisation des ressources et des services publics en milieu urbain ainsi que l’incapacité, pour les parents, de satisfaire certains besoins et droits essentiels de l’enfant constituent les fondements de la pratique de la domesticité des enfants. Cette pratique s’enracine donc dans un désir de promotion et de rêve d’un futur meilleur. En réalité, les enfants quittent leur famille, sont souvent méprisés, ils effectuent de durs travaux pendant des heures et subissent parfois des châtiments corporels. La plupart d’entre eux, certains très jeunes, ne fréquentent pas l’école, ce qui compromet fortement leur avenir.
Dans son plan d’action 2017-2020 pour Haïti, Terre des Hommes Suisse renouvelle son engagement pour la protection des enfants restaveks. Ainsi, en plus du renforcement des actions menées par le FMS en termes d’éducation, de formation professionnelle, d’accompagnement psychosocial et de sensibilisation de la population, développera-t-elle son soutien à d’autres acteurs de la société civile. Avec la création de nouvelles synergies, elle vise davantage de changements concrets pour le quotidien des enfants victimes de ce genre d’abus et recherche des solutions pérennes à ce fléau.
* Prénom d’emprunt, selon notre politique de protection de l’enfance.
Article rédigé par David Naville et Doris Charollais, publié dans le journal Terre des Hommes Suisse n°129, mars 2018