Les chiffres sont impressionnants dans cet Etat de l’Odisha, particulièrement confronté aux avortements sélectifs touchant les foetus féminins: dans certains districts de cet Etat, le ratio est de 600 naissances de filles pour 1000 naissances de garçons, alors que la moyenne nationale, déjà préoccupante, était de 919 en 2011 (contre 945 en 1991). Selon l’OMS, chaque année en Inde, 5 millions de foetus féminins sont éliminés. La malédiction que représente la naissance d’une fille est profondément ancrée dans la mentalité des indiens, toutes classes sociales confondues, depuis des siècles. Le système de dot, le fait que seuls les garçons s’occupent des parents en fin de vie, le risque de violence sur la jeune fille qui apporterait la honte sur la famille, sont autant de raisons avancées par la population pour expliquer ce déclin. Les chiffres sont encore plus alarmants dans les villes, auprès de populations éduquées, car elles ont davantage accès aux technologies et aux informations permettant de contourner la loi, très sévère contre les médecins qui pratiquent ces avortements sélectifs (amende, prison et interdiction d’exercer en cas de récidive) mais aussi contre les pères (amende et prison). La loi a pourtant bien du mal à se faire appliquer: sur les 35 dénonciations enregistrées en Odisha l’an passé, seuls 3 médecins ont été punis.
On peut encore trouver dans la rue des publicités vantant les techniques d’avortement ou des moyens de n’avoir que des garçons.
Et une fois que les petites filles voient le jour, les discriminations sont telles qu’elles engendrent un taux de mortalité bien supérieur à celui des garçons: sur 12 millions de filles nées, 3 millions ne verront pas leur 15ème anniversaire… Abandons à la naissance, infanticides, filles moins bien nourries …
Les conséquences de ce déséquilibre entre nombre de filles et de garçons se font sentir dans tout le pays et mêmes dans les pays limitrophes comme le Népal et le Bangladesh: des filles sont enlevées ou achetées pour être mariées dans les Etats où le ratio est faible, les crimes sexuels sont en augmentation.
Le partenaire local de TdH, CARD, a fait de ce problème de société un sujet de lutte et de militance active. Tous les vendredis, de nombreux groupes de femmes et le personnel de l’association s’habillent de noir, symbole de la violence faite aux femmes. Des cartes comme celle-ci et petits cadeaux sont apportés aux familles venant de donner naissance à une petite fille: il s’agit de valoriser cette naissance comme un don de Dieu alors que la tendance est plutôt la tristesse après une telle naissance – aucune visite à l’hôpital, aucune attention de la part du personnel médical… Le message de cette carte est « votre fille est une étoile étincelante dont vous pouvez être fiers ».
De nombreuses manifestations ont lieu dans plusieurs districts pour sensibiliser la population. Des troupes de théâtre, composés d’enfants membres des child clubs et d’étudiants, sillonnent la région en se produisant dans les villages. La pièce parle de la pression sociale exercée sur les mères pour qu’elles avortent de leur bébé féminin, du marché lucratif que ces avortements représentent mais aussi du fait que les parents pourront un jour être fiers de leurs filles. Un débat s’engage ensuite avec les spectateurs.
Des panneaux très explicites accompagnent les représentations théâtrales et sont également utilisés sur des stands de sensibilisation. On estime qu’en Inde une femme est violée toutes les 20 minutes, ce qui est bien moins que d’autres pays comme les Etats Unis (1 viol toutes les 25 secondes…), ces statistiques étant cependant basées sur les agressions dénoncées à la police.