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Nager pour renforcer l’estime de soi (9 juin 2012)

Dès notre arrivée à Sucre, jolie petite ville de style colonial, nous partons en direction d’une piscine publique… à la rencontre des enfants travailleurs de plusieurs « gremios » de la ville (syndicats d’enfants travailleurs).

La natation pour l'estime de soi ||

Marco, directeur de Ñanta, partenaire de Terre des Hommes Suisse, nous accueille. A l’extérieur de la piscine, un petit groupe de cireurs de chaussures se préparent à repartir au travail. A l’intérieur, ils sont une vingtaine, filles et garçons à jouer, sauter, faire des « bombes », rires. Il est 14h, l’heure de sortir de l’eau, mais Carmen, une fillette de 12 ans, profite jusqu’à la dernière minute. Au bord de l’eau, une maman avec ces deux tresses et sa « poyera » (jupe traditionnelle) est venue assister à la première sortie piscine de son fils accompagnée du plus jeune de ses garçons. Son visage s’éclaire d’un immense sourire en le voyant patauger dans l’eau.

Un samedi sur deux, les enfants travailleurs de la ville peuvent venir profiter de la piscine de façon récréative. Le reste de la semaine, des cours de natation donnés par 5 enseignants leur sont proposés matin et après-midi. C’est eux-même qui choisissent l’heure et le jour en fonction de leurs obligations (certains vont à l’école le matin, d’autres l’après-midi). Ils peuvent venir 2 à 3 fois par semaine, voire tous les jours pour les meilleurs. Ils sont 120 enfants travailleurs à participer de façon plus ou moins régulière à cette activité qui les intègre dans le « Club de natation Octopus » qui permet aux meilleurs de participer à des compétitions au niveau national.

La natation est l’une des activités parmi bien d’autres plus classiques proposées par Ñanta aux jeunes et aux enfants travaillant dans le secteur informel à Sucre. Ils seraient plus de 3’600 selon une étude effectuée en 2011. C’est aussi l’activité qui « sort du lot ».

« La natation permet de travailler l’estime de soi des enfants et ceci à plusieurs niveaux » nous explique Marco. Faire un sport que tous ne savent pas faire est sacrément valorisant. De plus, le « Club Octopus » étant ouvert à d’autres enfants venant de familles plus favorisées, qui payent pour participer au cours (permet un auto-financement partiel de cette activité), c’est une véritable mixité sociale qui s’opère durant les cours. Sans leurs outils de travail, en maillot de bains, il n’y a plus de discrimination et tous se trouvent sur un pied d’égalité.

En maillot, il n'y a plus de discrimination ||

En plus de leurs apprendre un sport valorisant, la natation est aussi une façon de travailler l’hygiène corporelle des jeunes. « La plupart de ces enfants sont issus de familles qui ont migré vers la ville et qui vivent en périphérie. Ils n’ont pas accès à l’eau courante chez eux et la première fois que certains se sont retrouvés sous la douche, ils ont même eu peur » apprend-on de Marco. L’une des conditions imposées par la piscine pour ouvrir le lieu aux enfants travailleurs a été qu’ils se lavent. Aussi, avant de se baigner, c’est à la brosse qu’ils se décrassent les pieds et les mains. En sortant de l’eau, ils se shampouinent désormais allègrement, se changent rapidement avant de repartir au travail. Sans oublier de récupérer les quelques bolivianos, fruit de leur travail, confié à l’éducatrice de Ñanta afin de ne pas les perdre.

Bien plus que l'apprentissage d'un sport ||

En continuant notre conversation avec Marco, on apprend que cela n’a pas été facile de mettre en place cette activité. Nicolas, ancien enfant travailleur s’occupe depuis un mois de l’accueil et de l’encadrement des jeunes à la piscine. « Il faut beaucoup de tact pour expliquer que 11h c’est 11h sans vexer ces enfants qui n’ont pas l’habitude de devoir suivre des règles strictes » explique-t-il. Ñanta garde dans deux grandes caisses en bois tout le matériel une fois séché : maillots, lunettes, serviettes de bains, etc. Il manque énormément d’équipement pour que tous puissent participer. Le plus difficile semble être de trouver des maillots de bains pour les filles… Un petit rêve que nous avons alors : trouver un club de natation en Suisse prêt à parrainer le Club Octopus pour que les fillettes et les garçons travailleurs de Sucre puissent poursuivre cette activité.