«La paz es amor, amistad, carino y solidaridad. La paz es hacer y no criticar a los demas. Nostoros no queremos mas guerra porque esta mal, nostotros solo queremos que vivamos en paz»
(« La paix c’est l’amour, l’amitié, la tendresse et la solidarité. La paix c’est agir et ne pas critiquer les autres. Nous ne voulons plus la guerre parce que c’est mal, nous souhaitons seulement vivre en paix. »)
Ce poème est récité par une jeune fille de 12 ans de l’un des quartiers particulièrement tendu de Buenaventura. Elle fait partie des «promoteurs de paix», un groupe d’une vingtaine de jeunes du quartier, âgés de 8 à 17 ans, qui se retrouvent une fois par semaine avec une animatrice de Taller Abierto, partenaire de Terre des Hommes Suisse, pour suivre un atelier thématique ou artistique.
Nous sommes dans une petite salle qui sert habituellement de «comedor popular» (cantine). Des ballons de toutes les couleurs ont été scotché au plafond, sur lesquels les jeunes ont inscrit des slogans : «liberté», «paix», «tolérance», «bonheur», «humilité». Après la représentation d’une petite pièce de théâtre qu’ils ont préparé et qui met en scène la mort d’un jeune suite à une altercation dans la rue, nous échangeons. Les réactions fusent, la prise de parole est facile.
«Pour moi c’est une manière de dire que ça ne sert à rien de répondre à la violence par la violence. C’est ce qui se passe dans le quartier.»
«Je veux que le quartier vive en paix. On a présentée cette pièce au collège. Elle permet d’amener un message aux autres.»
«On veut dire aussi qu’à la maison, il doit y avoir le respect. S’il n’y a pas de respect dans la famille, ou de respect pour soi-même, on va être la même chose dans la rue et dans la communauté.»
«Ici les choses se sont améliorées. Avant on entendait toujours « untel a été tué, ou un autre », aujourd’hui ça va mieux».
La situation des enfants dans un environnement de violences comme celui de Buenaventura, et en particulier celle des jeunes, est intolérable: abus sexuels, drogue, recrutement forcé, grossesses précoces, assassinats… Il est évident que l’entretien de ce climat de violences voire de terreur permet un contrôle des populations par les groupes armés. Par ailleurs, pour la seule année de 2014, 27’000 personnes seraient venues se réfugier dans les alentours de la ville, déplacées par le conflit en zones rurales. Il s’agit pour la plupart de populations indigènes et afrocolombiennes, dont 70% d’enfants, de jeunes et de femmes, selon une étude de Human Rights Watch. Pour affiner le tableau, on peut encore signaler des autorités fortement corrompues, et la croissance de commerces illégaux comme le narcotrafic, le trafic d’armes, les extorsions de fonds, les cultures illicites, l’extraction minière illégale, etc.
Dans ces zones de chaos, le rôle de notre partenaire est tout d’abord de créer et d’entretenir un climat de confiance avec les communautés avec lesquels il a choisi de travailler. Un état d’esprit qui permet ensuite d’amener auprès des enfants et des jeunes des sujets de réflexion et de discussion sur les droits de l’enfant, la résolution de conflit et la culture de la paix, l’approche genre, la santé sexuelle et reproductive, la prévention de substances psychoactives, etc. Il offre aussi la possibilité aux jeunes de développer leur esprit critique et leur autonomie dans un cadre créatif et récréatif, via la danse, le hip-hop, le théâtre, le dessin, etc. Enfin il leur permet de se construire et d’acquérir des connaissances et des savoirs-faire pour prévenir au mieux ces violence ou de réagir de façon la plus adéquate possible lorsqu’elles se présentent. L’accompagnement de Taller abierto est un soutien, mais déjà le seul fait d’être entouré d’amis qui sont dans la même dynamique est essentiel.
Taller abierto propose ainsi à des dizaines de jeunes des espaces qui favorisent la participation et l’action en lien avec les thèmes de la sécurité et la protection. Il sensibilise également avec les parents, en particulier les mères. L’association est présente dans 3 zones particulièrement sensibles, rurales comme urbaines, avec des populations indigènes comme afrocolombiennes.
L’association est en lien avec d’autres ONG et structures institutionnelles dans le domaine de l’enfance. Cette année, elle a notamment participé à l’élaboration de la politique publique de l’enfance et l’adolescence, ainsi qu’à l’Observatoire de recrutements forcés.