Le 12 octobre dernier, des milliers d’enfants ont marché à Genève pour défendre les droits de leurs camarades vivant à des milliers de kilomètres. Le Pérou était le pays à l’honneur de la 34e édition de la Marche de l’espoir. Un choix symbolique, tant ce pays d’Amérique latine cristallise les contrastes entre paysages de rêve et réalités sociales difficiles
Du littoral pacifique aux hauts plateaux andins, jusqu’à l’Amazonie, le Pérou évoque une destination fascinante et une richesse culturelle exceptionnelle. Pourtant, derrière cette image de carte postale, se cachent de profondes inégalités. Dans de nombreuses régions rurales, notamment andines et amazoniennes, des communautés entières vivent dans l’isolement, avec un accès limité aux services essentiels. La majorité des familles vivent de l’économie informelle, sans revenu stable ni couverture sociale. Cette précarité fragilise l’accès à la santé, à l’éducation et à une alimentation suffisante, en particulier pour les enfants.
Le pays traverse aussi une instabilité institutionnelle persistante qui complique la continuité et l’application des politiques publiques. Dans les régions andines et amazoniennes, cela se traduit par un accès inégal à l’éducation, à la santé et à la protection ; d’où l’importance du travail de Terre des Hommes Suisse et de ses partenaires, ancrés localement.
Une mobilisation collective face aux droits bafoués
Au Pérou, la situation des droits de l’enfant demeure préoccupante. Les violences intrafamiliales et sexuelles restent répandues et des disparitions de mineurs sont régulièrement signalées. Ces violences sont particulièrement graves dans les zones rurales isolées : par exemple, dans le district de Ccatcca (Cusco), où nos équipes ont observé que des enfants peuvent être piégés par des trafiquants leur promettant des « opportunités » qui se terminent en traite et en exploitation.
D’autres régions du pays sont concernées. Dans la région de Piura (nord), notre partenaire « Centro IDEAS » protège les enfants et adolescents contre les violences, le travail forcé, l’exploitation, les abus sexuels, les grossesses précoces et la traite. Dans les hautes terres de Cusco, les partenaires « Amhauta », « Inti Runakunaq Wasin » et « Yanapanakusun » mobilisent 14’000 enfants répartis sur 16 districts ruraux pour la prévention des violences et la prise en charge des victimes. Ces interventions sont adaptées aux réalités locales : dans les écoles rurales, les enfants apprennent leurs droits et sont encouragés à dénoncer les abus, tandis que des conseils consultatifs d’enfants donnent la parole aux jeunes auprès des autorités.
Projets de protection et de prévention
Sur le terrain, Terre des Hommes Suisse et ses partenaires agissent sur plusieurs fronts pour protéger les mineurs. À Lima, notre équipe collabore avec le gouvernement et d’autres ONG pour renforcer les politiques publiques (protection de l’enfance, protocoles scolaires, lutte contre la traite) et mène des campagnes nationales de sensibilisation. Dans les régions, des programmes ciblés sont déployés.
En Amazonie, où l’orpaillage illégal dégrade les écosystèmes et accroît les risques d’exploitation des mineurs, notre appui se concentre désormais sur la protection de l’enfance et l’éducation au développement durable. Avec nos partenaires, nous renforçons les environnements protecteurs dans 10 écoles rurales – soit environ 5’500 élèves – grâce à des actions de prévention des violences, d’information sur les droits et de mobilisation des communautés. Au-delà de ces écoles pilotes, 45’106 enfants et jeunes ont bénéficié d’un environnement protecteur renforcé grâce aux programmes menés avec nos partenaires dans les régions andines et amazoniennes.
D’autres initiatives complètent ce dispositif de protection de l’enfant dans le reste du Pérou. Des équipes psychosociales accompagnent les enfants victimes de violences, en milieu urbain comme rural. Des « brigades de paix » ont été déployées dans certains collèges pour réduire le harcèlement scolaire, en apprenant aux élèves à se protéger et à signaler les violences. Par ailleurs, les jeunes eux-mêmes sont encouragés à devenir acteurs : des adolescents formés par TdH Suisse réalisent à Cusco et Madre de Dios des diagnostics thématiques sur la violence et l’éducation, renforçant ainsi la gouvernance locale de l’enfance.
Prévention de la traite.
La traite d’êtres humains demeure un enjeu majeur, y compris pour les mineurs. En 2024, 1’908 cas ont été officiellement recensés. Sur le terrain, des ateliers de sensibilisation sont organisés dans les écoles et villages andins pour expliquer aux parents et aux adolescents les signaux d’alerte et les recours. Ces mesures complètent des campagnes menées dans les médias et au sein des communautés.
Notre partenaire explique les enjeux autour du recrutement des enfants :
Éducation et développement durable
L’accès à l’éducation est également au cœur des préoccupations. Dans les zones reculées, nos partenaires facilitent le retour à l’école des enfants déscolarisés et soutiennent les familles pour prévenir le décrochage. Depuis 2024, plus de 33’000 enfants issus de groupes vulnérables et marginalisés ont pu intégrer l’enseignement de base, grâce à l’appui coordonné de TdH Suisse et de ses partenaires.
Parallèlement, ils innovent pour rendre l’école plus attractive. L’éducation au développement durable constitue un axe majeur : quelque 10’000 élèves de Lima et de Cusco participent chaque année à des programmes de sensibilisation à l’environnement et aux droits de l’enfant. Ces actions, menées en partenariat avec les autorités éducatives, visent à éveiller chez les élèves le sens des enjeux locaux (déforestation, pollution, changement climatique) et à renforcer leur rôle de citoyens.
Des projets phares illustrent cette démarche. Le programme Éco-reporters, inspiré d’une initiative bolivienne, a réuni plusieurs collégiens de Cusco qui ont rédigé une revue d’articles sur la protection de l’Amazonie et la gestion durable des ressources. Cette expérience leur a permis d’acquérir des compétences en communication et en plaidoyer tout en sensibilisant leurs pairs.
Concrètement, les Éco-reporters ont animé des forums intergénérationnels sur la grossesse et la maternité forcées ; tenu des salons d’information dans les écoles et communautés en lien avec la prévention de la traite, des violences et du harcèlement ; produit des supports de communication pour les réseaux locaux.
De même, dans l’Amazonie de Madre de Dios, nos partenaires accompagnent de nombreux jeunes dans des projets éducatifs et communautaires qui combinent soutien familial, mentorat et apprentissages techniques, ouvrant l’accès à l’université ou à des formations professionnelles. À l’échelle du pays, 64’080 enfants et jeunes ont renforcé leurs connaissances sur les droits de l’enfant et les enjeux du développement durable grâce aux formations et actions de sensibilisation menées avec les autorités éducatives.
Au Pérou, les inégalités territoriales et la violence contre les enfants ne relèvent pas d’épisodes isolés mais de réalités structurelles. En s’appuyant sur des partenaires ancrés localement, Terre des Hommes Suisse agit là où les besoins sont les plus criants : protection, éducation, participation.
Les résultats sont là : des progrès concrets dans la prévention de la traite des jeunes et de l’exploitation, un meilleur accès à l’éducation pour toutes et tous et l’émergence d’une nouvelle génération d’enfants et de jeunes leaders qui s’engageant pour leurs droits et s’attelant à de nouvelles perspectives pour des vies plus dignes. La Marche de l’espoir 2025 a relié Genève à Cusco, Piura et Madre de Dios : cette chaîne de solidarité doit se poursuivre pour que chaque enfant grandisse en sécurité et exerce pleinement ses droits.
