Prévention et encadrement de l’exode rural des jeunes filles
De passage à Genève au début de l’automne, le coordinateur national de Terre des Hommes Suisse au Mali, Mamoutou Dembelé met l’accent sur l’action de partenaires locaux autour de la problématique de l’exode rural des jeunes filles et la prévention des violences. Une démarche qui lui tient particulièrement à cœur.
Au Mali chaque année, des milliers de jeunes filles partent de leurs villages pour se rendre à Bamako. Mais pourquoi quittent-elles leur foyer? Que font-elles en arrivant à Bamako? Leurs raisons sont multiples et souvent liées aux conditions de vie en milieu rural : gagner de l’argent pour se constituer un trousseau de mariage, soutenir financièrement leurs familles, éviter un mariage forcé. Certaines se voient même contraintes de quitter le village en raison d’une grossesse non désirée, cela constituant une honte pour elles et pour leurs familles.
Une fois arrivées à Bamako, les jeunes filles sont tout d’abord hébergées par celles que l’on appelle communément «les grandes logeuses», qui sont généralement, soit un parent ou un ressortissant de leur village. Ce sont ces femmes qui se chargent de trouver une place d’aide ménagère au sein d’une famille citadine. Malheureusement, au sein de ces familles, les conditions d’hébergement, de travail, de rémunération et de nutrition sont extrêmement précaires et les cas de violences et d’abus sexuels sont fréquents. » L’ONG malienne APSEF, soutenue par Terre des Hommes Suisse, mène un projet articulant deux axes de travail complémentaires: l’amélioration des conditions de travail de ces jeunes via des animations, des programmes de formation et des campagnes de sensibilisation à leurs droits, et la prévention de l’exode rural précoce des jeunes filles dans une trentaine de villages de la région de Koulikoro, au sud de Bamako. »
Le coordinateur du Mali raconte avec un mélange de fierté, d’espoir et d’admiration le parcours de certaines de ces jeunes filles et le travail accompli vers une vie meilleure. Il nous parle d’une jeune fille, arrivée à Bamako à l’âge de 15 ans, après avoir été abusée sexuellement par son enseignant puis forcée de quitter son village en raison de sa grossesse. Elle a travaillé dans des conditions particulièrement précaires, a de nouveau été victime d’abus et donné naissance à un deuxième enfant. La rencontre avec l’association a changé sa vie, elle a repris confiance en elle et pu prendre conscience de ses droits et de sa valeur dans la société. Aujourd’hui, 6 ans plus tard, elle a lancé son propre commerce de sandales, est revenue au village pour se reconcilier avec ses parents, s’est mariée et a pour projet d’ouvrir en plus, un petit centre de restauration. « Ce sont des parcours comme ceux-là qui donnent un sens à nos actions. Valorisées, soutenues financièrement grâce à des micro-crédits, ces jeunes filles deviennent des femmes conscientes de leur valeur, des femmes qui rentrent au village pour prévenir les plus jeunes des dangers de l’exode et essayer de faire changer les mentalités en discutant aussi avec les hommes » complète Mamoutou.
Pouvoir générer de nouvelles sources de revenus dans les villages, c’est aussi faire évoluer la région malgré l’instabilité politique et les conséquences du changement climatique en cours. En quatre ans, le gouvernement malien a changé quatre fois – et donc autant de fois les interlocuteurs de la société civile – et cela a de lourdes conséquences sur les actions des associations locales et sur le système éducatif. De plus, les populations doivent s’adapter au déséquilibre climatique et au manque de pluie. Soutenus par notre partenaire ADAC, les paysans développent de nouvelles techniques agricoles et les femmes s’installent en coopérative pour transformer les produits locaux comme le karité. L’avenir se construit pas à pas au Mali, toujours avec sourire et la force des partenaires est leur motivation et leur infatigable envie d’agir.
Une dernière petite question personnelle pour Mamoutou: Qu’est-ce qui te plait le plus dans ton métier? «Le fait d’être en contact avec les populations sur le terrain et de voir que le soutien que nous apportons aux partenaires locaux les aide à avancer. On les voit grandir, on les aide à gagner en confiance, à évoluer, et c’est merveilleux.»
Article rédigé par Charlotte Pianeta et Souad von Allmen, octobre 2017