Feliciano Valencia Medina est un leader indigène Nasa qui a reçu le prix national de la Paix en 2000 pour sa résistance pacifique au conflit armé qui a régné et règne encore dans cette région du Cauca. Depuis 2010, il est accusé de séquestration et violence contre un soldat qui, 2 ans auparavant, avait infiltré en civil une protestation indigène. Repéré, le soldat avait été condamné par la justice indigène à 20 coups de fouets. Alors que Feliciano Valencia avait été reconnu innocent en première instance, le tribunal du Cauca vient de le condamner en septembre dernier à 18 ans de prison! Le Conseil régional indigène du Cauca (CRIC) s’est insurgé face à cette décision et pourrait créer un mouvement de protestation important. Cette histoire pose surtout la question de l’autonomie de la justice indigène qui, selon la Constitution, peut s’exercer si l’acte condamné se déroule sur territoire indigène. Elle doit cependant s’inscrire dans le cadre des lois nationales et de celles du droit international en matière de droits de l’homme… vaste débat. Pour rappel, la Colombie compte 102 peuples autochtones.
Avec les déplacements forcés, les communautés indigènes se retrouvent en milieu urbain où elles reproduisent leur système d’autorité. Juan Carlos Chindicue est «gobernador» (gouverneur) du «cabildo» (territoire indigène) situé sur la «loma» (montagne) du quartier du Chorros. Un quartier dans lequel travaille aussi Cecucol qui y organise sur place, une fois par semaine, des ateliers créatifs pour les enfants. Il nous raconte que depuis 6 ans, des membres de sa communautés ont fuit leur territoire d’origine pour cause du conflit armé, et sont venus s’installer en ville. Aujourd’hui encore, et chaque jour, de nouvelles personnes viennent trouver refuge dans les alentours de la ville, se construisant des abris de fortune puis s’installant petit à petit en dur.
«La majorité des membres de ma communauté, les hommes, les femmes et les enfants aussi, vivent du recyclage: ils récupèrent dans la rue le carton, le plastique, les capsules, tout ce qui peut se vendre. On est abandonné par le gouvernement, en terme de d’accès à une éducation différenciée, à la santé, à la terre.» Le governador est actuellement en démarche pour la reconnaissance de son «territoire urbain» par les autorités colombiennes. «La plupart des gens du quartier ont des origines indigènes, mais les jeunes en particulier ont oublié ce que c’est que d’être indigène. Je suis l’objet de discrimination, de moqueries lorsque je me promène avec mon «baston de mando» (ndlr: bâton qui représente l’autorité, orné de pompons et des rubans de couleurs symbolisant la terre, l’eau, la nature, le ciel, le sang coulé pour la lutte indigène…). Ce baton, je m’en occupe avec soin comme d’une femme.»