Sur le chemin de Robin des Watts

De nouvelles écoles dans les Andes péruviennes transformées grâce aux efforts d’économies d’énergies réalisés par des enfants en Suisse.

De nouvelles écoles dans les Andes péruviennes transformées grâce aux efforts d’économies d’énergies réalisés par des enfants en Suisse.

San José de Quero est un village situé à 3900 mètres d’altitude, à une heure de voiture de Chupaca, la ville la plus proche. Il y a quelques années, la route était en terre battue, rendant le voyage long et pénible. Maintenant asphaltée, elle permet aux collectivos, taxis de covoiturage où s’entassent parfois jusqu’à une dizaine de personnes, de multiplier les trajets quotidiens.

C’est dans ce village, où est basé notre partenaire, la Coopérative Cas Cunas, que j’ai passé une semaine en juillet dernier, avec pour objectif principal la visite des écoles bénéficiaires du programme Robin des Watts (voir encadré).

Depuis 2009, 13 écoles de la sierra péruvienne ont vu le quotidien de leurs élèves et enseignants se transformer grâce à l’aménagement de serres accolées aux bâtiments scolaires, de panneaux solaires thermiques et de foyers améliorés pour la cuisine. Et ceci grâce aux économies d’énergie réalisées par les élèves d’écoles genevoises!

Une alimentation plus équilibrée et de meilleures conditions d’étude
L’an passé, avec l’appui en main d’oeuvre de la communauté locale, c’est l’école de Chala qui a bénéficié de la construction d’une serre, adossée à l’un de ses murs extérieurs. Aujourd’hui, l’espace chauffé déborde de légumes et de fruits plantés et entretenus par les élèves: nul doute que leurs futurs repas auront une saveur particulière pour ces enfants qui, d’ordinaire, ne mangent presque pas de salades ou de tomates. Et comme dans les autres écoles déjà équipées, ils pourront s’enorgueillir non seulement  d’avoir appris des rudiments d’agriculture, mais également d’avoir su prendre soin d’une récolte à venir qui profitera à tous, à la cantine où les repas de midi sont cuisinés par les mères de famille qui se relaient selon un planning bien établi.

Les petites cuisines des écoles sont maintenant équipées de foyers surélevés et dotées d’une cheminée évacuant les fumées, alors qu’auparavant les femmes devaient presque se plier en deux pour poser leur casserole sur un simple feu de bois brûlant à même le sol et enfumant la pièce. Un progrès simple qui se révèle efficace – réduction de la quantité de bois nécessaire – et assainit l’air.

Autre retombée positive de l’apprentissage par les enfants de cultures variées en serre, sa transmission au sein des familles, qui introduit de nouvelles habitudes alimentaires, plus diversifiées. Un changement de taille, car les problèmes de dénutrition touchent une partie importante de la population et en premier lieu les enfants.

Les salles de classe sont également mieux isolées et tempérées grâce à la chaleur de la serre qui pénètre par les fenêtres: la température moyenne, qui tournait autour des 5°C, affiche désormais de vaillants 15°C. De nouveaux réflexes à acquérir, comme simplement fermer systématiquement la porte de la classe, permettront d’augmenter davantage encore le confort des élèves.

À Salvio, dans l’école bénéficiaire du projet en 2013, j’ai eu la chance de m’entretenir plus longuement avec un petit groupe d’élèves. La serre? «On adore!, s’exclame Anderson, 11 ans. On n’est plus obligé d’aller au marché pour s’acheter des fruits ou des légumes. C’est très beau et en plus ça nous réchauffe.»

Assurer la pérennité des installations
Si le fonctionnement des serres et des cuisines améliorées s’est mis en place assez facilement, il reste néanmoins des difficultés pratiques à affronter sur le long terme. À l’école de Quishuar, le nouveau directeur n’a pas les connaissances techniques nécessaires au maniement d’un matériel qu’il n’a pas vu installer. En l’occurrence, les panneaux solaires thermiques endommagés ne permettaient plus d’obtenir de l’eau chaude dans les sanitaires.

Dans ce genre de situations, la Coopérative intervient pour pallier les manques de ressources de l’école, tout en insistant auprès des autorités pour qu’elles assument leur rôle de service public et assurent la qualité et l’entretien des infrastructures scolaires – dont les panneaux solaires font désormais partie.

Les écoles de Chucupata et Rangra seront les prochaines à bénéficier du programme Robin des Watts. Actuellement, il est habituel d’y voir les enfants porter des bonnets et s’emmitoufler dans des couvertures en classe. «Nous sommes habitués à vivre comme ça, mais on aimerait bien avoir moins froid dans les classes et avoir de l’eau chaude aussi», précise Andrea, 10 ans. Les directeurs de ces deux établissements sont conscients des bienfaits apportés par ce programme et se sont rendus avec enthousiasme à la réunion de coordination organisée dans leur mairie, en présence des autorités locales et du responsable de la coopérative. Le maire a signé une convention engageant la municipalité à assumer ses responsabilités quant à l’entretien des futures installations, et envisage même, via des travaux complémentaires, d’apporter une pierre à l’édifice dans les années à venir. Une belle promesse pour de meilleures conditions d’éducation des enfants de la région!

Encadré
Terre des Hommes Suisse et Terragir mènent le programme Robin des Watts depuis 2009. Suite à un travail de sensibilisation des élèves du canton de Genève, des économies d’énergie (eau, électricité et chauffage) dans des écoles primaires permettent, avec le soutien financier des communes où elles se trouvent, de rénover des écoles situées en zone rurale andine, là où les conditions d’étude sont notamment rendues difficiles par la rudesse du climat. Voir sur www.terredeshommessuisse.ch/robindeswatts

Article rédigé  par Grégory Scalena, tiré du journal Terre des Hommes Suisse n°120, novembre 2015