Lundi, 15 heures

Nous y sommes. Je regarde hébétée la trajectoire de Grace sur l’écran de mon ordinateur. Un cyclone va toucher l’île, 2 jours à peine après le séisme du 14 août dont l’intensité était de 7.2 sur l’échelle de Richter. La secousse a été ressentie partout dans le pays et jusqu’à Saint Domingue. Une fois de plus, il faut vite que les familles se réfugient à l’École de La Dignité. On n’a encore jamais subi une telle succession de risques naturels !

 

Pendant la saison cyclonique, cette école partenaire de Terre des Hommes Suisse sert de refuge aux personnes de la communauté de Pétavy, qui vivent près du rivage.

 

Le cyclone a changé de trajectoire et diminué en intensité. Mais beaucoup de pluies sont annoncées.

Lundi, 17 heures

Les premiers bilans des dégâts commencent à tomber. Toutes les ravines sèches sont en crue… Il y a de l’eau partout… Des torrents dévalent des collines… Partout c’est l’obscurité…

 

Depuis Port-au-Prince, où j’assure la coordination, je continue d’appeler l’école de La Dignité. « Allo, Josine. Allo ? ». Je sais bien que ce n’est pas possible de se parler au milieu d’un cyclone, mais je continue quand même jusqu’à tard dans la nuit. Si jamais…

Mardi, 7 heures

« Allo, Josine. Allo ?… ». Enfin des nouvelles ! Toutes les familles sont en sécurité à l’école. Tout le monde est en vie. Il y a des pierres et de la boue de partout. On ne voit plus la route. Le pont est coupé.

Mardi, 10 heures

L’équipe de l’école de La Dignité part en reconnaissance. C’est la désolation. Certaines familles ont tout perdu. Leurs papiers, lits, ustensiles de cuisine, vêtements… voire leur petit commerce.

 

Les gens rient et pleurent à la fois. Ils sont vivants. C’est l’essentiel. La tempête Grace est passée. Ici et là, on entend des chants…

Mercredi, 8 heures

La boue qui obstrue l’entrée des maisons est dégagée. Heureusement, il y a toujours de l’eau potable à l’école de La Dignité, grâce au réservoir construit en prévention des cyclones. Les familles défilent avec leurs seaux. Les enfants se rassemblent autour des feux de bois. Ceux qui ont la chance d’avoir des habitations en dur partagent leurs maigres provisions. Les mères inventent des soupes avec des feuilles cueillies sur les haies de moringa.

 

De Port-au-Prince, l’équipe part immédiatement sur les lieux, les conditions le permettant.

 

Il nous faut d’abord traverser le quartier de Martissant. La circulation est rétablie mais les gangs n’ont pas abandonné leurs positions. Ils campent encore avec leurs mitraillettes des deux côtés de la route. Le trajet est angoissant. A peine arrivés sur les lieux, nous participons avec les professeurs et l’équipe de La Dignité aux rencontres auprès des parents d’élèves et aux visites des familles de la communauté. Les travaux s’organisent.

Mais déjà, dans ce paysage ravagé, au-delà des premières aides d’urgence, les familles partagent toutes la même préoccupation : c’est bientôt la rentrée des classes, comment allons-nous faire pour envoyer nos enfants à l’école ?