Le 16e Festival du film des droits humains (FIFDH) se tient du 9 au 18 mars à Genève et dans d’autres villes de Suisse romande. Un événement qui propose films documentaires et de fiction, débats et rencontres, ainsi que des expositions sur des sujets brûlants. La Fédération internationale Terre des Hommes y participait pour la première fois. La parole à Laura Longobardi, responsable des partenariats.
TdH: Quels sont les thèmes prioritaires du festival cette année?
LL: Notre festival se profile selon deux axes principaux : le cinéma et le forum. Nous proposons des films documentaires et de fiction qui circulent actuellement dans les plus importants festivals du monde, et qui sont présentés au FIFDH en première Suisse ou internationale. Les thématiques changent chaque année en fonction de l’actualité (on peut citer la question du viol en Libye, l’impunité au Mexique, le droit à l’autodétermination, etc.), mais nous essayons aussi de proposer des sujets qui sont beaucoup moins, voire pas, médiatisés, comme le Venezuela, le revenu minimum universel, les nouvelles technologies et leur impact sur la démocratie, les compétences des personnes migrantes, etc.
Certaines thématiques comme la question des droits de la femme ou de la migration reviennent de manière récurrente. C’est aussi le cas pour les droits de l’enfant; même s’ils ne font pas l’objet d’un forum en tant que tel, les enfants sont continuellement présents dans nos films comme témoins des violations des droits humains.
TdH: Quel rôle le cinéma, et en particulier le FIFDH, joue dans la défense des droits humains?
LL: Notre spécificité, c’est la manière dont nous approchons les thématiques. Notre démarche est à la fois artistique et sociétale. Notre format: un film, un sujet, un débat, permet la rencontre de cinéastes, artistes, activistes, défenseurs des droits humains et experts, avec un public transgénérationnel. Le grand cinéma a le pouvoir de toucher les cordes de l’émotion et la sensibilité des gens. C’est une force de frappe incroyable. Cela permet ensuite d’entrer dans des sujets délicats et difficiles lors des échanges qui suivent les projections. La présence des protagonistes et réalisateurs des films accentue et personnalise les thématiques abordées. Lors du débat, le public en salle est pour nous aussi important que les invités sur scène. C’est aussi pour cela que les gens viennent si nombreux. Enfin, Genève est un terreau privilégié, c’est une ville où se côtoient de nombreuses communautés et des organisations internationales qui se sentent concernés.
Nous essayons de montrer que, même si la réalité est dure et complexe, il y a des gens qui œuvrent dans leur vie quotidienne pour changer les choses. Ce sont des personnes que l’on admire, qui ont souvent une parole constructive et positive, c’est surtout à eux qu’on a envie de donner la parole lors de nos débats. Nous invitons également nos partenaires, notamment les ONG, à venir avec leurs pétitions ou leurs campagnes. Ainsi, les gens peuvent sortir d’une séance et s’engager dans quelque chose de concret, participer personnellement au changement.
TdH: À votre avis, pourquoi le FIFDH est-il tant suivi par les jeunes?
LL: C’est un élément relativement récent qui est le fruit de nos efforts. Notre programme pédagogique prend de l’ampleur. Cette année, nous avons même mis en place un programme adapté et destiné aux enfants. Nous avons des retours de jeunes de 25-30 ans qui sont dans la salle aujourd’hui et qui ont découvert le festival comme élèves dans le cadre scolaire. C’est très encourageant pour nous, car cela signifie qu’ils sont dorénavant là par choix et non plus par obligation. Nous contribuons à former des générations de jeunes qui portent attention aux questions des droits humains, et cela nous rend très fiers et heureux ! Cela veut dire que nous avons réussi à capter leur attention, à stimuler des intérêts. Par ailleurs, nous touchons des thématiques qui les concernent directement, notamment les avancées technologiques. Le festival leur offre finalement des repères dans ce monde compliqué et en constante évolution. C’est certainement aussi pour cela que les jeunes sont si nombreux dans nos salles, les nouvelles générations ont un désir croissant de comprendre la complexité du monde et une sensibilité aux questions des droits humains.
TdH: Quelle synergie se crée entre Terre des Hommes et le festival?
LL: Nous sommes dans un très beau partenariat. Nous partons d’un film sur les enfants en exil, notamment les enfants non accompagnés dans la jungle de Calais. C’est un film fort et percutant. Nous avions envie de raconter les droits de l’enfant à travers cette situation de jeunes qui ont de 8 à 14 ans et qui sont abandonnés dans des camps, sans aucune protection. La collaboration avec la Fédération internationale Terre des Hommes en particulier apporte le regard de terrain, l’expertise et le plaidoyer sur cette question qui n’est toujours pas réglée. Vous témoignez de la réalité des enfants dans les projets menés par vos partenaires, mais aussi de la campagne Destination Unknown qui cherche à influencer les politiques et les conditions d’accueil des enfants en situation de migration. Enfin, vous avez une approche qui va dans le sens de la recherche de solutions, quelque chose que nous privilégions.
En pratique, le mardi 13 mars à 20h au Musée de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, le film « les enfants de la jungle » de Stéphane Marchetti et Thomas Dandois sera suivi d’une discussion en français avec Leila Fasseaux, coordinatrice pour la protection des enfants à Save the Children et Olivier Feneyrol, responsable du programme migrations à Terre des Homme.
propos recueillis par Souad von Allmen, mars 2018