Départ de Popayan, capitale du département du Cauca, surnommée la ville blanche de Colombie. Nous utilisons des voitures signalisées, un drapeau blanc planté à l’arrière des 4×4, et sur les portières le logo de l’association partenaire Tierra de Paz, une inscription «action humantaire», le symbole «no armas». De même, nous avons enfilé nos t’shirt Terre des Hommes Suisse et glissé un tour du cou avec une carte comportant notre nom, numéro de passeport et… rhésus!
C’est que nous sommes dans la région du Cauca, l’une des zones particulièrement touchée par le conflit armé et qui reste un territoire délicat. Les consignes de sécurité sont claires, au cas où. Mais actuellement la situation est calme et nous savons que nous sommes en de bonnes mains.
Tierra de Paz est une ONG colombienne qui travaille dans cette région depuis plus de 20 ans sur des questions comme la sensibilisation aux mines antipersonnel ou la gestion des risques, mais aussi plus récemment sur le renforcement du protagonisme des jeunes dans une zone d’extraction d’or.
Nous traversons des paysages magnifiques de collines arborisées. Une végétation luxuriante. Dans cette région, beaucoup de petits agriculteurs qui produisent du café de façon intégrée. Après une bonne heure, nous arrivons au bord du fleuve Cauca. Dans les montagnes, on nous fait observer des trous… l’entrée de mines familiales.
Honduras est une localité de 3000 habitants afrocolombiens (plus de 10% de la population du pays) située dans le département de Buenos Aires. Une zone d’influence paramilitaire et plus marginalement de guérilla. Tierra de Paz y mène son programme avec les jeunes dans le collège qui accueille 560 élèves du primaire et du secondaire. Si certains élèves sont de la localité, d’autres parcourent chaque jour jusqu’à 2h à pied dans des conditions de sécurité problématiques!
Le problème de l’accès à l’éducation en zone rurale reste crucial. Si la plupart des enfants suit le primaire (en 2009, le taux de scolarisation sur le plan national était de 90%, similaire en zone urbaine comme rurale), les chiffres diminuent au secondaire (si le taux dépasse les 70% de moyenne nationale, dans cette zone rurale il n’atteint pas les 50% puis seuls 20% parviennent au «bachillerato» vers 16 ans), enfin rares sont ceux qui peuvent accéder à des études supérieures.
Les familles des jeunes que nous rencontrons vivent traditionnellement de l’agriculture et de la mine artisanale. A la question «qui va régulièrement aider les parents à la mine?» soulevée à la quinzaine de jeunes leaders avec qui nous discutons… tout le monde lève la main! En effet, les enfants, depuis tout petit, accompagnent leur parents aux champs comme à la mine. Les jeunes sont conscients des dangers sur leur personne (effondrements, prostitution, maniement de produits toxiques) comme sur le milieu ambiant (toutes les rivières aux alentours sont contaminées par le mercure… les poissons ne sont pas comestibles, les risques pour leur santé, etc.), mais l’intérêt financier reste fort…
Par le biais de ce projet, un groupe d’une vingtaine de jeunes, élus par leurs camarades, se retrouvent de façon hebdomadaire pour débattre sur différentes sujets, renforcer leur capacité d’expression et se responsabiliser pour impulser des changements dans l’école comme dans leur communauté en terme de respect, de convivialité, de paix. Ils développent également l’identité culturelle et mènent des activités artistiques et sportives. Le projet bénéficie dès lors aux centaines d’élèves du collège et à leur famille. «Travailler sur les valeurs avec ces jeunes est importante, raconte Jorge, un des fondateur et actuel directeur de Tierra de Paz. Car dès lors que se présentera une difficulté, la question ne sera pas seulement de savoir quoi faire, mais d’avoir envie de le faire!»
Nous sommes dans une première phase de ce nouveau projet soutenu par Terre des Hommes Suisse, il devrait ensuite se poursuivre par un travail de promotion d’alternatives à la mines pour les jeunes. «Ici il n’y a pas beaucoup d’opportunités pour les jeunes. Beaucoup rêvent d’autre chose. Même si rêver n’est pas mauvais, explique la professeure de mathématique qui est également la responsable du programme de leadership, mais il faut trouver la route pour que la réalité ne crée pas uniquement des rêves frustrés.»
Quelques autres sujets discutés le long de cette longue journée passionnante:
- Le manque d’eau dans le village comme au collège. La question de l’hygiène et des sanitaires, et des problèmes de santé qui en découlent.
- L’enrôlement, principalement des jeunes garçons, dans les groupes armés ; le port d’armes des jeunes. La violence et l’agressivité. L’usage de drogues ou d’alcool.
- Les grossesses précoces des jeunes filles – il n’est pas rare d’avoir en classe une jeune fille enceinte à l’âge de 15 ans – et aussi le phénomène de la prostitution.
- La propriété de la terre: l’Etat possède le sous-sol mais octroie des concessions. Le sol quant à lui peut appartenir à un privé ou à un collectif. Depuis 5 ans déjà tout le territoire colombien est attribué! La question des multinationales étrangères.