En Colombie, l’accord de paix historique signé en 2016 peine à se concrétiser sur le terrain, au détriment notamment des droits de l’enfant. Nos partenaires se mobilisent.
L’accord de paix historique signé à l’automne 2016 peine à se concrétiser sur le terrain, au détriment notamment des droits de l’enfant. Nos partenaires se mobilisent.
Depuis les années 1960, la Colombie est le théâtre de combats violents entre guérillas, milices paramilitaires, bandes criminelles et l’armée, qui s’opposent pour contrôler des territoires et leurs richesses. Ce contexte a causé la mort de nombreux civils et contraint plus de 6 millions de personnes à quitter leur maison et leurs terres, puis à s’installer dans les périphéries des grandes villes, dans des conditions de vie extrêmement difficiles.
Plus d’un an après la signature d’un accord de paix historique entre le gouvernement colombien et la guérilla des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) devant mettre fin à cinquante ans de conflit armé, la situation reste malheureusement alarmante dans plusieurs régions, comme par exemple dans les départements du Cauca, du Chocó, et sur la côte Pacifique. Le conflit s’est même intensifié dans certaines zones où les groupes armés s’affrontent pour s’emparer du pouvoir laissé vacant par la démobilisation des FARC, et pour reprendre les territoires abandonnés.
Les civils restent les principales victimes de ce conflit, et la situation des droits humains et des droits de l’enfant est aujourd’hui encore très critique. Les déplacements forcés, le confinement sur un territoire, le recrutement notamment d’enfants par les milices et les violences sexuelles envers les femmes sont quelques-uns des risques encourus par la population. Les individus les plus exposés sont les communautés autochtones et afro-colombiennes, les petits paysans et les défenseurs des droits humains.
Manifeste contre les violences
En février dernier, une trentaine d’ONG, dont Terre des Hommes Suisse, ont tiré une sonnette d’alarme en signant un manifeste pour dénoncer les attentats perpétrés à l’encontre des leaders sociaux. À travers la plateforme Suisse-Colombie (ask !), Terre des Hommes Suisse a également été signataire d’un communiqué lancé par un réseau de 36 organisations européennes1 avec le même type de revendications. Elles ont interpellé l’État colombien pour qu’il fasse la lumière sur ces actes criminels et sanctionne les responsables. Rien que pendant le mois de janvier 2018, au moins 23 leaders ont été assassinés2. C’est une situation préoccupante dans une phase de reconstruction de la paix après des années de conflit.
Nos partenaires face à de nouveaux défis
Ce climat tendu n’épargne pas nos partenaires, tel que Cecucol. Défenseur des droits humains dans plusieurs quartiers périphériques de l’est de la ville de Cali, l’organisation reconnue de longue date lutte au quotidien pour que les habitants, en particulier les enfants, puissent vivre en sécurité. Dans ces territoires qui connaissent toujours des flux migratoires provenant de la côte Pacifique, les nouveaux arrivés sont régulièrement délogés avec brutalité par les forces publiques.
Récemment, fidèle à sa mission, Cecucol a accompagné l’une de ces communautés déplacées pour l’aider à défendre ses droits. Elle a alors été à son tour menacée dans ses propres locaux par un groupe armé. Cet exemple témoigne de l’extrême tension dans laquelle évoluent actuellement nos partenaires, et de la nécessité de renforcer leur travail. Terre des Hommes Suisse soutient cinq organisations de la société civile, dont Cecucol, qui contribuent activement à la paix et à l’amélioration des conditions de vie des habitants. Elles œuvrent au quotidien pour protéger les enfants et les rendre conscients et acteurs de leurs droits.
Jeunes promoteurs de la paix
La population a développé de nou- velles formes de mobilisation avec une participation grandissante des femmes, mais aussi des enfants et des jeunes. Marqués par ce conflit et inquiets pour leur futur, les jeunes Colombiens se mobilisent pour la mise en œuvre des accords de paix. Ils revendiquent des politiques leur assurant un quotidien plus sûr, un accès facilité à l’éducation et une protection contre les violences.
C’est le cas à Buenaventura, un district particulièrement affecté par le conflit de par sa situation stratégique au bord du Pacifique. Taller Abierto, partenaire de longue date de Terre des Hommes Suisse, est présente dans quatre zones urbaines et rurales contrôlées par des bandes criminelles. Cette organisation mène des activités de plaidoyer, travaille avec des victimes du conflit armé, renforce l’émancipation des femmes et des jeunes à travers notamment desateliers artistiques, culturels et sportifs. Enfants et jeunes peuvent ainsi se réapproprier un espace, imaginer des scénarios de vie éloignés des opportunités proposées par les groupes armés. Sensibilisés à leurs droits et formés pour une participation active, les jeunes peuvent reconstruire le tissu communautaire mis à mal par le conflit. Ils deviennent acteurs de changement et peuvent ainsi être les garants d’une non-répétition du conflit et d’un processus de paix réussi.
Devant le travail extraordinaire de ses partenaires, la référence qu’ils sont devenus et l’impact de leurs projets, Terre des Hommes Suisse a toujours plus envie de les accompagner et de les soutenir dans leurs actions de défense des droits de l’enfant. Elle relaye régulièrement leurs demandes auprès de l’État colombien afin que celui-ci protège les populations et traduise en justice les exactions commises à leur encontre.
Article rédigé par Sandra Mayland et paru dans le journal Terre des Hommes Suisse n°130, mai 2018
1 Oficina International de Derechos Humanos Accion Colombia (OIDHACO)
2 Communiqué OIDHACO du 15 février 2018 (chiffres Indepaz)