Fin janvier, les coordinatrices et coordinateurs des pays d’intervention de Terre des Hommes Suisse se sont retrouvés durant deux semaines avec l’équipe du siège à Genève. Echanges riches et novateurs en vue d’un nouveau plan d’action.
Des mains qui se tiennent pour former une ronde, un lancer de balle, des étirements, des rires… et nous ne sommes pourtant pas dans une cour d’école ! Du 25 janvier au 5 février dernier se tenait la 3e édition de la «rencontre» entre les coordinateurs nationaux (CN) et l’équipe du siège de Terre des Hommes Suisse. Une rencontre qui a lieu tous les trois ans et qui a pour objectifs de permettre à tous les acteurs, du Sud comme du Nord, de s’informer et de s’exprimer sur les outils de travail et les thématiques prioritaires que l’association a choisis comme domaines d’action. Elle vise aussi à créer et entretenir des liens et une cohésion dans l’équipe – d’où les activités matinales, physiques et ludiques – éléments essentiels pour une communication et une action efficace.
«Terre des Hommes Suisse est comme un corps vivant, avec ses émotions, sa raison, ses hauts et ses bas. Nous ne pouvons pas ignorer l’environnement anxiogène qui frappe l’Europe tout comme les pays dans lesquels nous sommes présents, ni négliger les bouleversements internes que nous traversons. Mais la constatation qui s’impose, c’est que nous gardons notre capacité d’indignation intacte, une foi maintenue en notre action et pour laquelle nous nous investissons complètement. Là est notre plus grande force» introduit Sylvie Dugeay, présidente de l’association.
Jour après jour, des réflexions, des discussions, des activités en groupes et des partages ont été menés autour de la protection de l’enfance, du droit à l’éducation ou du droit à l’alimentation, mais également de la participation des jeunes, de l »équité entre hommes et femmes, du droit à l’image, et du renforcement de nos associations partenaires. «Au-delà des documents, il est magnifique de bâtir ensemble l’avenir, dans la cohésion» souligne Vincent Kaboré, coordinateur régional de la zone Afrique-Caraïbes.
Quelques bribes saisies au vol
«Encourager la participation des jeunes permet d’atteindre d’autres objectifs, notamment celui de leur faire prendre conscience de leurs droits et de les outiller pour prévenir des abus» raconte Efrain Botero, de Colombie.
Lors de la matinée consacrée au droit à l’alimentation, Khadim Dieng, coordinateur national au Sénégal, présente un projet de développement durable dont l’objectif est d’assurer la sécurité alimentaire des ménages vulnérables par la mise en place de bonnes pratiques agricoles. «Avant l’intervention de Terre des Hommes Suisse, les récoltes étaient de 200 à 300 kg par hectares, ce qui n’était pas assez pour vendre ni pour vivre toute l’année, et entraînait un exode rural. Depuis que nous avons proposé de nouvelles pratiques, la production a augmenté et les familles peuvent enfin vivre décemment et les enfants grandir en meilleure santé.» S’ensuit un débat avec les autres personnes présentes à cet atelier, qui, témoignant d’un projet similaire dans un autre pays, qui, questionnant l’intervention extérieure et l’implication des populations bénéficiaires.
Désormais s’impose plus que jamais la question de la migration. Ashish Ghosh rappelle la vulnérabilité des mineurs lors de déplacements non accompagnés, par exemple en Inde. «C’est le manque de nourriture ou de perspectives d’avenir qui poussent les enfants à chercher ailleurs de nouvelles opportunités, avec pour conséquences la déscolarisation, le travail des enfants, les violences et l’exploitation infantile.»
Pour Luciana Pinto, du Brésil, «travailler dans le domaine de l’éducation différenciée dans les zones rurales, et notamment en Amazonie, permet non seulement aux enfants d’accéder aux savoirs scolaires, mais aussi de valoriser les traditions agricoles et culturelles de leurs communautés.»
Quant à Lizeth Vergaray Arevalo, du Pérou, «ces deux semaines de travail intense ont permis de partager nos expériences sur la situation des enfants dans les différents pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique. Sur cette base, nous avons ainsi pu mieux définir de façon collective des mécanismes et des stratégies pour prévenir les abus et les situations de vulnérabilité, mais aussi nous devons agir pour renforcer la participation des enfants et des jeunes, un élément clé pour parvenir à un changement significatif dans leurs vies.»
«Cette rencontre a permis de nous affirmer et nous unir sur un même mandat, de nous sentir fiers d’appartenir à une association qui cherche les droits et la dignité dans un cadre d’équité, de solidarité, de cohérence et de durabilité. Et d’assumer ces défis tant au Nord qu’au Sud» témoigne Patricia Vargas Vallejo, Bolivie.
«J’ai aimé l’ambiance chaleureuse et conviviale, et la co-construction du plan d’action 2017-2020 permettra une meilleure appropriation par tous» résume Léa Kaboré, Burkina Faso.
Chaque problématique est débattue, les termes de références sont peaufinés, les critères d’évaluation harmonisés d’un pays à l’autre. «Cette rencontre marque une implication effective et globale de toutes et tous, gage d’une amélioration durable de la situation des enfants d’ici et d’ailleurs» commente Mamoutou Dembelé du Mali. Et Séverine, co-responsable du secteur programmes, de compléter: «Cette rencontre a atteint ses objectifs, tant sur le plan de la cohésion d’équipe que sur celle du partage de la vision, élaborée de façon concertée et participative entre le siège et les coordinateurs nationaux.»
La neige, facteur de cohésion…
Au-delà des débats internes, c’est aussi l’occasion d’échanger avec des partenaires de Terre des Hommes Suisse comme Terre des Hommes Fédération internationale, la Fédération genevoise de coopération ou la Direction pour le développement et la coopération (DDC). Les coordinateurs ont aussi pu participer à des animations dans les classes autour de «Robin des Watt» ou de «solidarcomm» et apprécier le travail de sensibilisation réalisé en Suisse.
Seule ombre au tableau, l’absence de Guerty Aimé, coordinatrice Haïti, empêchée de participer notamment pour des questions administratives. «C’est la première fois que je rate une rencontre des CN et j’ai comme le sentiment d’une amputation, tant ces moments de partage sont importants. J’aurais vraiment aimé être avec vous pour voir fleurir en plein hiver genevois ce bouquet d’amour…»
La rencontre s’est terminée par une journée à la montagne. Les arbres étaient recouverts d’une pellicule blanche, «magique» pour celles et ceux qui n’avaient jamais vu la neige! Quel bonheur de s’aérer la tête après ces journées (et soirées) intenses de travail. Il fallait voir chacune et chacun s’équiper de bottes trop grandes, de combinaisons trop petites, d’enfiler bonnets, écharpes et gants pour se livrer à d’insouciantes batailles de boules de neige et de courses en luges.
Difficile de clore une telle rencontre sans nostalgie. Pendant les trois prochaines années, les contacts vont principalement être entretenus à distance. Bien utilisées, on ne peut que saluer les nouvelles technologies! Mais une chose est sûre: toute l’énergie déployée durant ces quinze jours, toutes ces forces alliées permettront à Terre des Hommes Suisse de gagner en efficacité et en durabilité dans ses actions pour un monde plus solidaire et où les droits de l’enfant sont respectés.
Article rédigé par Aïssatou Barry et Souad von Allmen, février 2016