Économies d’énergies et solidarité à l’école

Une journée solidaire a été organisée par l’école d’Anières (GE). Elle clôt une année de travail autour de la question des économies d’énergies et de la solidarité avec le Pérou.

Quand il sera grand et me demandera  
« Pourquoi y a plus de poissons dans la mer? »  
Je vais dire quoi? Que je savais pas!  
Ou que j’en avais rien à faire!

Et quand il me demandera  
« Papa! Est-ce juste pour le bois  
que vous avez rasé le poumon de la planète?  
J’vais respirer avec quoi? »

J’aurais l’air d’un irresponsable, incapable.  
D’un coupable au comportement inexcusable.  
Une nature bousillée, un monde de CO2.  
Est-ce vraiment le futur  
que l’on voulait construire pour eux?  
Ça passe par le respect et l’une des choses à faire,  
c’est un commerce équitable pour eux, nous et notre terre.  
Les grands discours c’est bien.  
Mais les petits gestes c’est mieux.  
La différence on doit la faire aujourd’hui,  
car on le peut.
(…)
 
C’est sur cette chanson «On n’a qu’une Terre» du rappeur Stress, scandée par 200 élèves, que se termine la journée solidaire organisée par l’école d’Anières (GE) le lundi 7 mai 2018. Cette journée clôt une année de travail autour de la question des économies d’énergies et de la solidarité avec le Pérou. Une année qui a permis la réflexion, mais aussi la mise en place de gestes concrets que les élèves peuvent effectuer au quotidien, en classe ou à la maison.

Terre des Hommes Suisse et Terragir mènent le programme Robin des Watts depuis 2009. Suite à un travail de sensibilisation des élèves, des économies d’énergie (eau, électricité et chauffage) dans des écoles primaires du canton de Genève permettent, avec le soutien financier des communes, de rénover des écoles situées en zone rurale andine, là où les conditions d’étude sont notamment rendues difficiles par la rudesse du climat.

«Lorsque nous avons démarré ce programme, explique Kristel Angiolini, enseignante et responsable du projet, il ne concernait que la division moyenne. Mais mes collègues de la division élémentaire étaient si motivés que nous avons imaginé un système de parrainage entre petits et grands. Le travail de sensibilisation a donc d’abord été réalisé par Terragir et Terre des Hommes Suisse auprès des grands, mais ce sont ensuite ces derniers qui ont répercuté ce qu’ils avaient appris auprès des petits. De véritables ambassadeurs. Nous avons créé une commission de 4 enseignant-e-s et avons été bien soutenus par la direction de l’école. Enfin, l’appui financier de la Mairie a été déterminant.»

Concrètement, plusieurs actions ont été mises en place dans les classes, et notamment la nomination d’un responsable énergie qui porte attention aux lumières allumées ou aux fenêtres restées trop longtemps ouvertes en hiver. Plus globalement dans l’école, les sorties habituelles par exemple ont été remises en cause pour proposer des lieux moins énergivores. «Notre rôle comme enseignant-e est capital. Les élèves ont pris conscience de certaines réalités, ils ont toujours mille et une question, mille et une idées. On sent aussi que, pour la plupart, ils sont déjà sensibilisés à ces questions dans leur famille, notamment sur le recyclage ou sur l’alimentation bio. Mais ils se sont aussi rendus compte des difficultés à changer les habitudes!»

À l’école de la solidarité
Ce lundi matin, ils descendent deux à deux l’escalier pour se rendre dans la salle qui présente les ateliers Robin des Watts, chaque «grand-e» tenant par la main un-e «petit-e». Les grands expliquent ensuite consciencieusement aux petits comment fonctionne une serre et comment on peut y cultiver des légumes. Dans le couloir, assise sur un tissage péruvien orangé, Carolina présente à Alice et Djamel des images de Suisse et du Pérou qui représentent l’habitat, les transports, l’agriculture. Elle les fait parler des similitudes et des différences. Dans une classe à l’étage, d’autres enfants réalisent des dessins qui vont permettre de créer une grande carte du Pérou. La responsable de la classe d’accueil me signale un garçon qui s’applique à colorier sa feuille: «Ce jeune n’a jamais été scolarisé. Il semble avoir 8 ans mais il doit en avoir 10 ou 11. Il a souffert de malnutrition. Il est arrivé la semaine dernière, et regardez comme il est déjà à l’aise pour tenir son stylo aujourd’hui!» 

Une des particularités de la commune d’Anières est d’avoir une population relativement favorisée et de nationalités très variées, et d’accueillir un centre de requérants d’asile. «Dans les classes, les élèves se côtoient, se respectent. Plus généralement, le projet Robin des Watts est en lien avec des thématiques d’actualité. Et sensibiliser les enfants, c’est un premier pas pour faire changer la société!»

Élargir les horizons
«Le projet Robin des Watts nous a immédiatement séduit, car il propose des actions concrètes qui font la différence, témoigne Caroline Benbassat, adjointe au Maire d’Anières. Nous avons la chance de vivre dans une commune privilégiée. Nous considérons l’éducation et la formation comme des éléments clé pour le futur. Les enfants sont particulièrement réceptifs à ce qu’on peut leur apporter. À nous de leur ouvrir les portes, d’élargir leurs horizons, de stimuler leur curiosité.»

Le temps de la soirée, les enfants guident leurs parents dans la salle communale. Ils leurs présentent les différents ateliers auxquels ils ont participé durant la journée tout en dégustant des empanadas préparés minutieusement le jour-même dans les cuisines de l’école. «Ma fille était tellement motivée qu’elle a refait le bricolage de four solaire en carton à la maison, en souhaitant cuire quelque chose dedans!» raconte une maman. Une autre s’enthousiasme: «Mes trois filles sont dans cette école, en 4, 7 et 8P. Elles ont beaucoup parlé à la maison de ce qu’elles apprenaient. C’est vraiment impressionnant tout ce qu’elles ont retenu: les nombre de litres d’eau pour faire pousser une pomme, les réflexes de ne pas laisser la lumière allumée ou l’eau couler. On a aussi été très contents de contribuer au marché de Noël, surtout que c’était des objets qu’elles avaient réalisé elles-mêmes, de chouettes cadeaux pour les grands-parents!» (ndlr: les bricolages réalisés par les élèves ont été vendus lors d’un marché qui a permis de récolter plus de 2000 francs suisses au bénéfice de l’école soutenue par Terre des Hommes Suisse au Pérou). «Merci pour tout ça!» répète à deux fois une maman qui, je le comprend peu après en voyant son fils s’approcher, ne parle que quelques mots de français. Ce jeune est dans la classe d’accueil qui a été intégrée dans tout le processus. Il s’improvise traducteur, et m’explique que le projet Robin des Watts leur a beaucoup appris car dans son pays, l’Afghanistan, leur vie était «très différente»… Nous n’avons malheureusement pas le temps de poursuivre, le spectacle de danses folkloriques du groupe Llacjtaymanta («notre terre» en quechua) démarre sur la scène, rappelant que l’ensemble des fonds récoltés par les économies d’énergie effectuées dans l’établissement vont permettre de financer des ateliers éducatifs et techniques pour des jeunes, et d’installer une serre pour mieux isoler l’école – souvent glaciale – de San Jacinto, située à près de 4000 mètres d’altitude dans les Andes péruviennes. Une ambiance festive qui clôt harmonieusement cette expérience pédagogique, écologique et solidaire, si enrichissante pour toutes et tous.
 
Souad von Allmen, Terre des Hommes Suisse, mai 2018