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L’impact de la crise du COVID-19 sur l’aide au développement et à l’enfance

Article d’Andrea Tarantini, publié dans le dossier « Stay Home » du 24 Heures et de la Tribune de Genève du 11 avril 2020

 

La crise que nous vivons a un fort impact sur l’aide au développement et à l’enfance. Comme beaucoup d’associations, elle oblige l’organisation Terre des Hommes Suisse à prendre des mesures importantes.

 

La pandémie du coronavirus continue de se propager en Suisse et dans le monde entier. Chacun d’entre nous est affecté par cette situation critique. Confinement, baisse des activités en Suisse, incertitudes quant aux financements futurs et crise financière mondiale affectent également le monde associatif.

 

Après une année 2019 marquée par la restriction de l’accès aux fonds européens pour les ONG suisses et par la révision de la politique suisse de la coopération au développement, plusieurs ONGs ont déjà tiré́ la sonnette d’alarme face aux difficultés financières.

 

La crise sanitaire actuelle s’accompagne d’une crise économique qui complique la mobilisation des moyens nécessaires pour répondre à des besoins grandissants. Nous avons pu discuter de cette crise et de ses effets avec Christophe Roduit, secrétaire général de Terre des Hommes Suisse qui, face au Covid-19 et en vue de protéger les enfants les plus vulnérables, doit prendre des mesures exceptionnelles et adapter ses actions.

 

Quelle est la situation actuelle de Terre des Hommes Suisse?
Quelle année pour célébrer nos 60 ans! Terre des Hommes Suisse est une organisation active en Suisse et à l’échelle internationale dans neuf pays. Nous agissons pour la défense des droits de l’enfant en partenariat avec une soixantaine d’associations locales. Ici et ailleurs, nous nous battons pour la promotion du droit à l’éducation, à la protection contre la violence et l’exploitation et pour la participation des jeunes aux questions qui les concernent. La reconnaissance de ces derniers comme acteurs du changement est au cœur de nos interventions.

 

Au niveau de notre siège en Suisse, à Genève plus précisément, et de nos représentations dans les pays, nous fonctionnons en télétravail depuis le 13 mars. La difficulté concerne donc les activités de terrain. En effet, en Suisse, nous avons annulé des évènements grand public et tout notre travail de sensibilisation dans les écoles au sujet des droits de l’enfant et du développement durable. De la même manière, en Afrique, en Amérique Latine, en Asie et dans les Caraïbes, le confinement empêche le bon déroulement des activités de protection et de promotion du droit à l’éducation.

 

Terre des Hommes Suisse a donc cessé ses activités?
Au contraire, nous avons été très réactifs. Cette nouvelle situation a nécessité un repli lié aux mesures de confinement, qui a été mis à profit pour réorienter toutes nos activités et leurs modalités de mise en œuvre. La fermeture des écoles est un grand changement pour les familles mais également pour Terre des Hommes Suisse. Ainsi, à l’international, nous travaillons actuellement sur la sensibilisation des gestes barrières, la distribution de kits d’hygiène et de nourriture et la protection des personnes plus vulnérables.

 

En Suisse, l’ensemble du travail de sensibilisation au développement solidaire et durable est maintenant déployé sur de nouveaux supports digitaux. En cette période de confinement, il nous est essentiel d’accompagner les enfants et leurs familles dans cet exercice inédit d’école à la maison.

 

Quels sont les défis principaux auxquels est confrontée l’association?
Le niveau d’incertitude est élevé et il nous oblige à travailler sur plusieurs scénarios en même temps. Nous devons nous adapter, tout en étant très préoccupés de la situation en Haïti, en Inde, en Afrique de l’Ouest ou en Amérique Latine. Si, en Suisse, les enfants retrouveront le chemin de l’école, cela n’est pas acquis dans d’autres pays. L’exacerbation de la pauvreté risque de signer la fin du droit à l’éducation et d’accentuer les risques d’exploitation pour nombre d’enfants qui devront travailler pour garantir ne serait-ce qu’un repas par jour à leur famille. A titre d’illustration, les premiers chiffres de Colombie démontrent une augmentation de 79 % des signalements de violence domestique durant cette première phase de confinement.

 

En Suisse, il nous semble aussi essentiel d’accompagner le retour à la vie normale pour les enfants et les jeunes, tout en adaptant nos activités et en anticipant les levées progressives de restrictions de mouvement.

 

Chaque activité que nous menons nécessite la mobilisation de fonds et donc le soutien du public suisse. Or, depuis le début de la crise, nous notons une baisse des dons. Nos donateurs ont été occupés à se réorganiser, à vivre le confinement et à se centrer plus sur eux-mêmes, ce qui est totalement compréhensible. En considérant aussi les perspectives d’une crise économique, nous arrivons à la conclusion suivante: nous devrons faire plus et avec moins de moyens. Par exemple en baissant nos frais administratifs à cinq pour cent ou encore grâce au soutien de nos bénévoles, dont le temps de travail représente, pour l’association, un montant d’un million de francs chaque année. Cependant, cela a des limites et assurer la qualité des services a un coût.

 

Pourtant, comme le prouve la dernière récolte de la Chaîne du Bonheur, le public est généreux. En général, les crises génèrent-elles des financements pour les associations?
Le public suisse est très généreux effectivement. Néanmoins, la situation est inédite et les besoins seront importants. Il faut des moyens pour l’aide d’urgence mais également pour le travail de développement. Pour nous, il est essentiel d’agir en Suisse et à l’international, sans mettre en opposition ces deux terrains d’action qui sont interdépendants. Un travail immédiat puis des actions sur le long terme seront nécessaires pour répondre à l’impact que cette crise aura sur les personnes plus vulnérables. Or, les moyens mobilisés sont toujours limités face à des besoins en constante croissance. Le soutien sur la durée est donc essentiel.