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Apprendre par l’expérience au Brésil

Rose Lane a 20 ans. Elle vit à Lençóis, dans l’État de Bahia. Sa participation au projet Grãos de Luz e Griô a changé sa vie. Interview. 

 

Grãos de Luz e Griôs, association partenaire de Terre des Hommes Suisse, accompagne depuis 2015 des projets communautaires au Brésil qui intègrent l’art, la culture orale, l’éducation, le développement durable et la citoyenneté. Ils mettent l’accent sur le renforcement de l’identité afro-brésilienne, les droits et la participation des enfants et des adolescents en situation de pauvreté et de discrimination sexuelle et raciale. Accompagnés par une équipe d’éducateurs bien formés, des dizaines de jeunes de trois communautés de la ville de Lençóis participent ainsi à des ateliers et des formations. Parmi eux, Rose Lane. 

 

Que fais-tu à Grãos de Luz et depuis quand?
J’ai connu l’institution quand j’avais 10 ans. J’y participe depuis lors de façon presque continue et dans différents groupes. Actuellement, je suis plusieurs cours: classe de biodanse, préparation à l’ENEN (Examen national qui vise à promouvoir l’accès à l’université), en plus des classes d’afrodanse et de celles de pédagogie grio.  

 

Est-ce que cela a changé quelque chose pour toi?
En tant que jeune fille noire, qui vit dans une ville de l’intérieur du pays, la participation à Grãos m’a non seulement aidé à avoir des perspectives dans la vie, mais à les élargir. Et pouvoir croire qu’à un moment donné, les rêves peuvent se réaliser. Je me sens aussi plus autonome. 

 

Parle-nous de tes projets de vie.
Aujourd’hui, je suis animatrice en théâtre. En parallèle, j’aimerais devenir enseignante, en commençant par faire un diplôme interdisciplinaire en sciences humaines à l’Université fédérale de Bahia, puis me spécialiser en histoire. Le théâtre, c’était un rêve que j’avais depuis l’enfance. En fait, j’ai toujours eu deux rêves: être professeure et être actrice. Le théâtre me permet de concilier les deux. La danse reste une activité importante pour moi, mais que je ne pense pas approfondir. Cela m’aide surtout dans mon expression artistique. 

 

Si je ressens la nécessité de me former en histoire, c’est parce que j’ai réalisé que le processus d’apprentissage des connaissances, qui est la base de la conscience historique et politique, n’est pas optimal au Brésil, principalement pour les personnes à faible revenu et pour les populations en milieu rural. Je pense que lorsque l’on connaît le passé, il est plus facile de définir le présent et de planifier l’avenir. De savoir comment se positionner dans le monde. Avec la formation que les gens ont ici à Grãos de Luz, basée sur la pédagogie grio, nous avons plus de facilité à comprendre notre histoire ainsi que son impact sur notre environnement. Je souhaite étudier ce domaine du point de vue de mon propre peuple, les Noirs, et approfondir les références africaines mais dans une perspective critique et non pas en apprenant des contenus imposés comme on le fait habituellement dans les écoles. 

 

Qu’est-ce que cette pédagogie grio a de particulier?
La pédagogie grio travaille sur des questions d’ascendance et d’identité. Son objectif est de placer l’être humain au centre du processus d’apprentissage, peu importe le contenu. Ainsi, vous apprenez les contenus scolaires formels mais en les basant sur votre réalité. Il est continuellement fait référence à notre contexte.  

 

La pédagogie grio a par ailleurs un autre principe de base: l’élève n’est pas une case vide à remplir! Les enfants et les jeunes viennent déjà avec un certain nombre de connaissances qui leur sont propres, et que l’on va ensuite compléter. Une personne qui apprend à travers ce chemin-là est complètement différente de quelqu’un qui vient d’une école traditionnelle. J’en suis la preuve concrète: j’ai plus appris en un an, avec Grãos de Luz, que durant toute ma scolarité à l’école publique. Bien davantage que ce que l’on m’a raconté, j’ai intégré ce que j’ai vécu!

 

Propos recueillis par Luciana Pinto (traduit et complété par Souad von Allmen), 2018