You are currently viewing Les droits de l’enfant au Sénégal

Les droits de l’enfant au Sénégal

Khadim Serigne Dieng, coordinateur national de Terre des Hommes Suisse au Sénégal, était de passage à Genève en octobre dernier à l’occasion de la Marche de l’espoir. Il a participé à différents événements publics et rencontré des écoliers. Compte-rendu.

Khadim Dieng est actif dans la défense des droits de l’enfant au Sénégal depuis de nombreuses années. En tant que coordinateur national de Terre des Hommes Suisse au Sénégal, il participait à la table-ronde organisée par la Fédération genevoise de coopération (FGC) le 4 octobre 2019, aux côtés du professeur Philippe Jaffé, psychologue de renom et représentant suisse au Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

“Une coalition de six grandes ONG internationales a analysé sur le plan local la situation des enfants et les progrès réalisés après l’adoption de la Convention il y a 30 ans. Le rapport de Child right now – dont Terre des Hommes Fédération internationale fait partie aux côtés de Plan international, Save the Children, Word Vision, Child Fund et SOS Children’s Village, dresse un constat mitigé. Elle dénonce notamment que 9 enfants sur 10 sont victimes de violences, que 15 millions de jeunes filles sont mariées avant l’âge de 18 ans (une toutes les deux secondes!), et qu’environ 1 enfant sur 2 n’a pas de pièce d’état civil! Au Sénégal, un enfant sur quatre âgé de 5 à 17 ans effectue un travail préjudiciable à sa santé ou à son développement.”

Khadim relève de bonnes nouvelles: baisse du taux de mortalité infantile et augmentation du taux de scolarisation, même s’il se pose la question de la qualité… Au Sénégal, 80% des enfants sont inscrits à l’école, mais nombre d’entre eux quittent en cours de scolarité, et l’accès reste difficile pour les enfants qui vivent un handicap physique. Les disparités villes-campagnes restent également très fortes. Enfin au niveau secondaire, il y a clairement moins de filles pour cause de mariage ou de grossesse précoce, de périodes de menstruation, etc. Le problème essentiel reste celui de la pauvreté. L’action de la société civile participe à renforcer le travail des Etats tout en insistant que l’avenir des enfants passe par l’éducation.

La célébration des 30 ans était aussi une opportunité pour tester l’une des avancées notables de la Convention qui est celle du droit à la participation des enfants. Cette participation passe par la connaissance des droits, puis par des espaces dédiés. « La Convention n’a pas révolutionné le monde, c’est sûr, mais aujourd’hui des centaines d’enfants sont devenus des défenseurs des droits d’autres enfants. Ils ont la capacité de parole et la capacité d’interpeler les adultes !” conclut-il.

Magali Girardin Magali Girardin

Début octobre, lors d’une présentation à l’école Bois-des-Arts à Thônex (GE), Khadim Dieng coanimait et répondait aux questions des élèves pour préparer la Marche de l’espoir du 13 octobre.

Pour vous, qu’est-ce que les droits de l’enfant ? Au-delà des réponses courantes: “droit d’aller à l’école”, “droit de se nourrir”, “droit de se faire soigner”, “droit de manger”, quelques réponses originales: “droit d’être fâché”, “droit d’avoir une maman et un papa”, “droit de rouler à vélo”, “droit de savoir ce qu’on peut ou ne peut pas faire”, “droit des filles de bricoler et des garçons de jouer à la poupée”, “droit d’aider la planète”.

La question du droit à l’identité est un thème qui soulève beaucoup de discussions. Un acte de naissance, c’est le droit d’être reconnu par son pays, qui permet de passer des examens scolaires par exemple. Et 30% d’enfants en sont privés au Sénégal ! Pourquoi ? Parce que de nombreux parents n’ont eux-mêmes pas suivi l’école, ne savent souvent pas qu’ils doivent déclarer l’enfant à la naissance à l’État civil. Les enfants d’Eden, association partenaire de Terre des Hommes Suisse sur le terrain, sensibilisent les parents afin qu’ils effectuent les démarches juridiques pour restaurer le droit de leurs enfants à une identité.

Enfin sur la question de la solidarité, il y a consensus: chacun peut faire quelque chose, même petit, pour aider d’autres gens ou pour changer une situation! Khadim rappelle la Marche de l’espoir et la mobilisation de milliers d’enfants et de jeunes. Il souligne aussi que, pour la première fois cette année, une marche a lieu dans le pays bénéficiaire. À Dakar, capitale du Sénégal, des enfants vont en effet se mobiliser et défiler symboliquement dans leur quartier en solidarité avec les participant-e-s à Genève!

Les élèves participent au débat||Souad von Allmen

Extraits complémentaires de la soirée-débat organisée dans les locaux de Terre des Hommes Suisse, le 8 octobre, et ouverte aux donateurs.

Le Sénégal est parmi les premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits de l’enfant en 1990. Mais les lois n’ont pas été mises à jour. Dans le code de la famille par exemple, les filles peuvent toujours se marier à 16 ans.

Concrètement, que fait Terre des Hommes Suisse sur le terrain? Nous n’intervenons pas directement, mais appuyons des ONG locales qui travaillent sur les droits de l’enfant et nous apportons notre expertise technique. L’objectif est de partager notre positionnement qui est très clair : la place de l’enfant n’est pas dans la rue, ni d’être marié! (voir vidéo)

Depuis 1995, Terre des Hommes Suisse collabore avec Eden. La plus-value de cette association partenaire : la sensibilisation (participation, droits, etc.) et un bureau d’accueil, d’écoute et de prise en charge pour les victimes. L’initiative est bien accueillie par la population, même si le poids des coutumes ne permet pas un changement rapide. Khadim rappelle que Terre des Hommes Suisse a un principe et une approche de travail avec des coordinations locales, qui connaissent le contexte, la réalité, et utilisent les mots adéquats.

Témoignage sur les droits de l'enfant||Sandrine Maillard

La démarche des enfants reporters est en réflexion depuis 2018 au Programme International et au secteur communication. Le but étant de consulter les enfants à l’occasion de la célébration des 30 ans. Des consultations ont été organisées dans de nombreux pays auprès des partenaires et des jeunes. “L’activité privilégiée des enfants a été le reportage, je pense notamment à un reportage sur les enfants éboueurs et un autre sur les enfants charretiers. Les adultes ont participé sous forme d’appui financier et technique. Par exemple au Sénégal, nous avons obtenu l’appui d’un groupe spécialisé sur l’image. Cette association a assuré la formation des enfants en techniques vidéo et photo. Les techniques de reportages radios et écrits ont été assurées par des journalistes locaux. Au total, 120 enfants dans 4 régions du Sénégal ont participé à ce magnifique projet (voir sur childrightshub.org).

Khadim relève que les accompagnateurs ont été surpris par la capacité et le potentiel des enfants de réaliser ce type de travail. “Les sujets abordés ont été impressionnants. Et l’engagement des enfants! Ils sont restés jusqu’à 8h sur le terrain pour prendre des prises de vue ! Il faut aussi noter que les enfants ont été associés à toutes les étapes de production, jusqu’au montage”.

De nombreuses productions ont été réalisées. Un jury d’enfant s’est constitué, a défini ses critères de choix, et a sélectionné les meilleures productions à envoyer au siège à Genève. Une partie d’entre elles ont été choisie pour les deux expositions qui ont eu lieu en octobre.

Ce travail va également être valorisé au Sénégal. Le 20 novembre, avec la coalition Child right now, l’Etat du Sénégal et Unicef, nous avons prévu de présenter ces réalisations à Dakar. Ce sera également le moment de démarrer une action contre les violences et d’interpeller le parlement pour que le code de l’enfance soit voté, et qu’il y ait plus de moyens financiers pour améliorer les conditions des enfants. Dans les jours qui suivent, une caravane va faire le tour des régions où ont été réalisés les reportages. Les films seront notamment projetés sur des écrans en plein air. Un juste retour aux sources.

Propos recueillis par Souad von Allmen, octobre 2019