Sensibilisation des adolescent-e-s au Pérou

Une animation qui fait le lien entre téléphones portables, droits de l’enfant et extraction d’or, proposée depuis plusieurs années à des classes en Suisse, a été testée pour la première fois auprès d’adolescents au Pérou.

En juin 2017, en collaboration avec l’ambassade suisse au Pérou, une exposition de photographies sur la réalité de l’extraction d’or était présentée aux centres culturels à Lima et Cuzco. L’occasion de proposer une des animations pédagogiques phares de Terre des Hommes Suisse, «Téléphones portables et droits de l’enfant: suivons le fil de l’or», dont l’objectif est de découvrir le lien entre les téléphones portables, d’usage quotidien, et les droits de l’enfant en zone minière. Elle permet de faire connaître aux jeunes le contenu d’un téléphone et son cycle de vie, de façon à ce qu’ils deviennent des consom’acteurs critiques et responsables, préoccupés de développement durable. 

200 jeunes de Cuzco et Lima
Ainsi, 170 filles et garçons d’écoles publiques et privées de Lima et de Cuzco, ainsi que 30 jeunes de l’université de Cuzco ont participé à cette expérience pilote. Une animation «basée sur des travaux de groupe et des jeux de rôle, dynamique, participative et motivante!» témoigne Gina De La Torre, responsable de ce projet d’éducation au développement solidaire. 

Les adolescents ont tous d’abord été surpris d’apprendre qu’il y avait de l’or dans leur téléphone portable ! Ils ont ensuite pris conscience des réalités autour de l’extraction de ce métal précieux dans la région de Madre de Dios, et des conséquences négatives tant sociales qu’environnementales: exploitation au travail, exploitation sexuelle, impact sur la santé, déforestation, contamination au mercure des eaux, des poissons, des terres, déforestation, etc. L’occasion de faire le lien avec la défense des droits humains, en particulier ceux des enfants. «Ce qui m’a le plus interpellé, ce sont ces questions d’or, de prostitution et de traite de personnes!» témoigne un participant à l’issue de la visite. En effet, suite à l’augmentation du prix de l’or sur le marché international, la «fièvre de l’or» a touché nombre de jeunes qui migrent des zones rurales andines, avec ou sans leurs parents, dans l’espoir de meilleures conditions de vie… et se retrouvent exploités au travail. Notamment, pour les jeunes filles, dans des prostibars. Leur document d’identité est souvent confisqué le temps de rembourser les frais de voyage, d’hébergement et de nourri- ture qui sont exorbitants. 

Au-delà des problèmes, les jeunes ont également pu parler de solutions telles que la retorta, qui per- met d’éviter d’utiliser du mercure, la campagne solidarcomm destinée à obtenir des ressources financières qui financent les projets au Pérou en matière de prévention de la traite, et des alternatives économiques au travail minier. Ils ont surtout réalisé qu’ils ont leur rôle à jouer en tant que consom’acteurs!

 

Légende
Cette animation testée au Pérou fait écho au travail de sensibilisation effectué dans les classes en Suisse romande. Un exemple de projet qui concrétise le lien d’interdépendance entre le Nord et le Sud, et l’engagement de Terre des Hommes Suisse pour promouvoir la prise de conscience et la participation des enfants et des jeunes, ici et là-bas.

Interview de Gina De La Torre, responsable du projet au Pérou 

Quels ont été les points les plus pertinents concernant ces journées de sensibilisation?
Il est apparu clairement à quel point les adolescents sont mal informés sur le thème de la consommation responsable et du développement durable. Après l’atelier, ils étaient très intéressés à approfondir leurs connaissances sur le sujet.   

Dans quelle mesure la participation des enfants, des jeunes et des étudiants a-t-elle été encourageante?
La participation a été très active tout au long de l’atelier, les adolescents ont posé des questions, exprimé des opinions et fait des suggestions en fonction de ce qu’ils apprenaient et observaient.  

La méthodologie et les outils utilisés ont contribué à rendre l’atelier dynamique et propice à la sensibilisation et à la participation.    

Y a-t-il eu des différences notables dans l’expérience globale entre Lima et Cusco?
Pour les deux groupes, c’était une nouveauté d’apprendre tout ce qu’implique la fabrication d’un téléphone portable, notamment les métaux utilisés pour sa fabrication, en particulier l’or, et de prendre conscience de la façon dont ce minéral est exploité au Pérou. Ils ont pu se rendre compte des conséquences négatives à la fois sociales et environnementales, et de l’impact direct sur les personnes les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants. Les enfants des deux groupes ont participé avec un même intérêt.

Ce que l’on peut relever, c’est qu’à Cusco les adolescents venaient de régions éloignées de la ville et que cela a demandé une autre organisation. De plus, la plupart n’avaient pas de téléphone portable, ce pour des raisons économiques, alors qu’à Lima, ils en possédaient presque tous un.  

D’un autre côté, les adolescents de Cusco avaient plus de connaissances sur l’exploitation illégale de l’or, ainsi que sur certaines conséquences que cela entraîne, notamment celles liées à la question du trafic et de l’exploitation du travail (en raison de l’intervention des partenaires de Terre des Hommes Suisse). Cela leur a permis de générer des débats entre eux et de raconter des situations qu’ils connaissent, contrairement aux adolescents de Lima qui ont été surpris par cette question et surtout par les conséquences.  

Aider ces jeunes à devenir des consommateurs responsables, est-ce réaliste?
Je pense qu’il est très important d’informer et de sensibiliser les adolescents sur cette question. Les aider à prendre conscience de l’importance d’être des consommateurs responsables, de savoir comment choisir des produits non seulement pour leur qualité, leur marque et leur prix, mais surtout à se poser des questions sur les conditions dans lesquelles ils ont été fabriqué: qui fait du profit? Quel est le comportement des entreprises qui les fabriquent ? Quel est le degré de protection de l’environnement ? Et surtout les droits de l’homme sont-ils respectés?   

La question du développement durable est-elle déjà largement répandue dans les écoles?
En général, la question du développement durable n’est pas très répandue au Pérou. Il y a peu d’écoles qui travaillent sur cette question (peut-être plus dans certaines écoles privées). Pour donner un exemple, pendant les ateliers, tous les adolescents ont été très surpris par les informations fournies et très intéressés à en apprendre davantage à ce sujet. La même chose s’est produite avec les adultes qui les accompagnaient.

Article rédigé par Souad von Allmen, publié pour la première partie dans le journal TdH131 de septembre 2018